Introduction

qui Équipe d’Architecture régénérative, direction Recherche et Innovation, mairie de Rosny-Sous-Bois | Direction : Emmanuel Pezrès, Charlotte Picard | Architecte chef de projet : Vincent Raeppel | Ingénieur bois : Adrien Estève | Ingénieur fluides : Mathieu Lebourhis, Giampiero Ripanti | Suivi de chantier : Chloé Zordan.

quoi Groupe scolaire Simone Veil : 11 classes et des salles de loisirs (3369 m²), cour au rez-de-chaussée (852 m²), cour en toiture-terrasse (607 m²).

44, rue Hussenet, 93110 Rosny-sous-Bois.

quand Études : septembre 2018 | Travaux : juillet 2019 – septembre 2021.

comment Structure : poteaux et poutres treillis en bois feuillus français | Murs : éléments préfabriqués en ossature bois, isolation bottes de paille, corps d’enduit en terre crue francilienne (paille support d’enduit) | Enduit extérieur : chaux-sable | Enduit intérieur : terre crue–plâtre francilien | Cloisons : ossature bois, isolant textile recyclé, plaques de terre crue | Enduit sur cloisons : argile blanche | Préaux : bois massif d’Île-de-France, sylviculture douce | Toiture : bardeaux de chêne ou végétalisation extensive en pente | Bardage & couverture des préaux : bois brûlé | Ventilation : naturelle avec échangeurs de chaleur | Revêtement de la cour : pavés en bois de bout | Toiture-terrasse : accessible, bacs de végétation, platelage en châtaignier | Circulation : escaliers et cage d’ascenseur en bois lamellé-croisé.

pourquoi Les communes, selon le besoin, sont dans l’obligation de créer des écoles maternelles et élémentaires d’enseignement public. La démographie était en forte progression depuis plusieurs années sur plusieurs secteurs de la commune, il a été jugé nécessaire de construire cette école.

pour qui Les enfants de Rosny-sous-Bois et leurs enseignant·e·s.

avec qui La direction de l’éducation, la direction des bâtiments, la direction de la commande publique, la direction du foncier, la direction des espaces publics de la ville de Rosny-Sous-Bois.

par qui Bois franciliens : Bergerie de Villarceaux | Voirie et réseaux divers : SNTPP | Espaces verts : Eurovert | Infrastructure : Baticible | Charpente, enveloppe : UTB, Apij Bat | Cloisons, faux-plafonds, gaines :  Sogefi | Menuiserie intérieure : Ageco, Mobidecor, Briand menuiserie | Serrurerie : Moratin | Sol dur : Vinet | Sol souple : Hayet | Peintures : Peintisol | Plomberie, ventilation, chauffage : Bosio | Electricité : Lumage | Équipements de cuisine : Le Cloconcept | Ascensoriste : Euroascenseur | Poêle de masse : Thermasse | Mobilier : Bcube.

combien 11 500 000 € HT tous lots compris.

Suites logiques

Alexis Desplats | Le groupe scolaire Simone Veil fait suite à trois autres architectures scolaires conçues par les architectes et ingénieurs de la ville de Rosny-Sous-Bois. Cette « spécialisation » vous permet certainement d’apprendre de vos erreurs et de vos réussites de projet en projet, tant dans la conception que dans la mise en œuvre ?

Vincent Raeppel | Tout d’abord, nous cherchons à dégrader le moins possible les écosystèmes biologiques et sociaux. Ainsi, chaque projet est l’occasion de favoriser des filières participant à cette approche en vérifiant et parfois en orientant les façons de faire. De plus, comme l’indique le nom de notre « direction Recherche et Innovation », chaque bâtiment est l’occasion de réaliser de la recherche-action. Nous avons à cœur de favoriser des techniques constructives vertueuses en partageant volontiers nos retours d’expériences.

Nous avons conçu l’école Simone Veil en parallèle de la construction du centre de loisirs Jacques Chirac, à quelques centaines de mètres. Nous avons donc intégré dans ce projet un maximum de détails déjà expérimentés. Nous avons également plusieurs fois visité les écoles des Boutours, nos premiers projets à Rosny, en présence de la direction de l’Éducation, afin de constituer un savoir empirique et d’identifier les améliorations à apporter.

Rosny à l’école du bois-terre-paille
La structure en feuillus se lève et défie les barres de Rosny // Maëlle Valfort / Architecture régénérative / Topophile

Grands espaces et basse technique

Quels dispositifs spatiaux et techniques avez-vous perfectionnés et aboutis ici ?

Spatialement, nous n’avons rien réinventé de particulier par rapport aux écoles précédentes. Toutefois la parcelle et le programme toujours différent ont guidé nos choix d’orientations.

Dans notre premier projet, les salles d’activités étaient situées au premier étage, côté rue, avec une hauteur sous plafond de 2,70 m. Nous avions une réticence à les mettre au dernier niveau, car cela impliquait que les maternelles doivent monter deux étages. Toutefois, étant donné la faible hauteur sous plafond disponible dans les étages inférieurs et les complexités structurelles qu’engendrait le programme de ces salles, nous sommes convenus avec la direction de l’Éducation de placer les salles d’activités au dernier niveau.

Techniquement, cela nous a été utile pour l’intégration des échangeurs et la réalisation des gaines de ventilation naturelle avec récupération de chaleur. En effet, nous avons perfectionné les supports de ces éléments. Nous les avions réalisés en bois sur le centre de loisirs et sommes ici passés à un support métallique pour permettre un réglage plus simple et une étanchéité plus grande à l’aide de profilés plats intégrés suivant une conception affinée. Ceux-ci ont été réalisés par une entreprise issue de l’économie sociale et solidaire.

Nous avons également perfectionné les interfaces entre le plancher en béton du rez-de-chaussée et la superstructure en bois et bottes de paille. Nous avons amélioré l’intégration des barrières anti-termites et caché les raccords entre les isolants contre le béton et contre les murs en paille derrière un panneau de hêtre pour éviter de voir les fissures résultantes des changements de matériaux.

Enfin, la conception des poutres treillis est identique à celle du centre de loisirs, toutefois nous n’avons pas réussi, cette fois-ci, à les faire fabriquer en utilisant plusieurs essences de bois du fait de rapports compliqués avec l’entreprise de charpente.

Levage de la charpente du R+2 // Vincent Raeppel / Architecture régénérative / Topophile

Nous avons également créé un marché de mobilier spécifique afin de nous donner toutes les chances de le faire fabriquer en local (main-d’œuvre et matériaux), réparable et sans émanations de composés organiques volatils. Cela n’a que partiellement fonctionné, du fait d’incompatibilités « d’humeurs » entre mandataires et sous-traitants.

Nous avons également tiré de nos retours d’expérience qu’il faut éviter les points d’eau « centraux » dans les sanitaires. Ce type spatial ne permet pas que savon et sèche-mains se trouvent à proximité des lavabos. Le va-et-vient des enfants fait que l’eau se répand au sol et présente un risque de glissement. Ou encore, qu'il faut ajouter des volets roulants aux fenêtres de toit même orientées au nord, car elle restent d'importantes sources de chaleur en été.

Parallèlement à ces améliorations, nous avons continué à chasser de nos constructions les produits issus de l’industrie pétrochimique. Étant donné le délai de mise en œuvre — le chantier ne devait durer qu’un an —, nous avons composé avec des caissons préfabriqués. Cependant, nous avons refusé qu'ils soient dotés de panneaux formant contreventement car ils contiennent beaucoup de colle. L’enveloppe ne comporte ni pare-vapeur, ni pare-pluie non plus, deux fonctions qui sont assurées par les enduits (terre-plâtre intérieur et chaux-sable extérieur). Les éléments préfabriqués étaient cependant livrés emballés dans des films de différents types, que vous verrez sur les photos de chantier, et que nous avons cherché à faire réutiliser autant que possible comme protections de chantiers…

Cependant, chaque projet étant un prototype réalisé avec des entreprises et des ouvrier·e·s différent·e·s, nous ne pouvons pas dire que nous avons des techniques abouties ; seulement une continuité d’essais cohérents avec l’objectif de notre direction.

Le R+2 avant les finitions // Marie-Amélie Lombard / Architecture régénérative / Topophile

Maîtrise d’œuvre intégrée

Être en maîtrise d’œuvre intégrée au sein de la commune vous offre l’opportunité rare d’avoir des relations ténues de la commande à la maintenance. Quels enseignements en tires-tu ? Quels éléments programmatiques ou fonctionnels requestionneras-tu dans vos prochains projets ?

Cela dépend beaucoup des personnes, des humains intervenant dans les services impliqués — direction de l’Éducation et direction des Bâtiments, en charge de l’entretien du patrimoine municipal. Pour ce projet, nous avons eu beaucoup d’échanges, de la conception à la livraison, sur les salles d’activités, la répartition des sanitaires, l’emplacement des réserves et locaux de ménage, l’aménagement intérieur des salles de classe.

Par ailleurs, le temps de conception et le temps de retour d’expérience émanant des autres équipements ne sont pas forcément synchrones. C’est pourquoi il a fallu pour ce projet adapter quelques détails pendant le chantier comme les occultations de fenêtres de toit et les cloisonnements dans la salle de repos maternelle. Nous reportons ces nouvelles données directement sur les projets suivants.

En fin de chantier, nous avons profité de la possibilité de faire intervenir les ateliers municipaux sur la préparation des salles de classes pour fixer les tableaux, ajouter des cimaises… Ils ont également récupéré les matériaux laissés par les entreprises pour avoir un stock de matériaux de rechange et nettoyé efficacement le chantier qui en avait grandement besoin. Cette intervention était bienvenue, afin de permettre la livraison de l’école dans de bonnes conditions.

En ce qui concerne la maintenance, nous tentons de retenir un maximum d’enseignements des réalisations passées, en particulier sur les points sensibles, comme le chauffage. Toutefois, des paramètres externes à l’organisation des directions induisent de nouveaux questionnements à chaque projet. N’oublions les deux grands inattendus autour de ce projet : la pandémie et le changement de l’équipe municipale.

Salle de motricité au R+2 // Juan Sepulveda / Ekopolis / Topophile

Ventilation naturelle

La pandémie, justement, a mis l’accent dans les écoles sur le renouvellement de l’air. La ventilation mécanique est couramment privilégiée et les débits normés. Or, ton équipe, projet après projet, fait le choix de la ventilation naturelle. Pourquoi ?

Le renouvellement d’air est un des postes principaux de dépense d’énergie, tant à la construction, qu’au fonctionnement et à l’entretien. Il nous semble donc pertinent de rester sur un tirage thermique et un renouvellement naturel de l’air. De plus, en nous évitant l’asservissement à l’électronique, nous n’avons plus besoin des composants électroniques provenant de l’autre bout du monde. Cela nous permet d’assurer le fonctionnement de l’école de façon continue et simple, avec peu de moyens.

Giampiero Ripanti, un de nos ingénieurs fluides, répondrait certainement de manière beaucoup plus précise sur les aspects techniques. Disons synthétiquement que chaque échangeur a un débit nominal de 350 m³/h et qu’il y en a deux par salle de classe. Cela nous donne un débit largement supérieur à la norme et bien plus hygiénique que celle-ci.

Vue de la couverture en planches de chêne et au-delà // Marie-Amélie Lombard / Architecture régénérative / Topophile

Chantier naturel

Par où passe l’exploration d’une architecture du moindre impact en chantier ? Mettre en avant des matériaux naturels, locaux et sains, ainsi que le savoir-faire de leur mise en œuvre, bouleverse-t-il le chantier et sème-t-il les graines d’un nouveau B.T.P. — bois–terre–paille — auprès des entreprises et des ouvriers impliqués, qui ne sont pas tous sensibilisés à votre démarche ?

Avant d’intégrer la mairie, j’imaginais que cette architecture bouleverserait beaucoup plus le chantier.

Une fois le chantier démarré, l’ensemble de l’équipe de maîtrise d’œuvre rappelait chaque semaine, en réunion de chantier, les enjeux d’une telle construction. Pourtant, les pièces écrites du marché étaient très claires. Nous passions également beaucoup de temps à rappeler les enjeux de la sociabilité, à savoir pourvoir les effectifs nécessaires aux travaux pour en réduire la pénibilité, nettoyer son lieu de travail, échanger entre ouvriers pour s’assurer du déroulement du chantier…

Nous rappelions très souvent l’enjeu que représentait ce nouvel équipement pour la municipalité. En effet, des familles étaient en attente d’une école à proximité de leur logement, d’autres écoles de la ville étaient déjà en sureffectif alors que nous en étions encore en conception et en construction. Il était impératif d’ouvrir à la rentrée 2021. Enfin, nous rappelions régulièrement qu’il s’agissait d’employer l’argent public à des fins d’amélioration du bien commun, ainsi que la dimension écosystémique du projet, financé par la contribution des rosnéens pour enseigner aux futures générations est un socle solide. Cela semblait évident pour certains, mais pas pour tous.

Photo de classe… ouvrière // Marie-Amélie Lombard / Architecture régénérative / Topophile

Un bon nombre d’ouvriers construisant l’école étaient assez fiers de participer à ce type de construction. Nous expliquions à beaucoup d’entre eux pourquoi nous avions choisi tel matériau ou façon de faire plutôt qu’une autre. Certains lots, comme les poseurs de sols (carrelage, linoléum) sont passés à côté de la démarche. D’autres comprenaient tout de suite et étaient très impliqués.

Les travaux du B.T.P. restent des tâches d’une grande pénibilité. Toutefois, manipuler des matériaux agréables non toxiques a permis d’apaiser le quotidien des ouvriers. Les plaquistes faisaient la sieste dans les rouleaux de l’isolant en textile recyclé à la pause déjeuner !

La préservation des écosystèmes sociaux est un axe essentiel. La question « Où va l’argent ? » est essentielle, d’autant plus lors qu’il s’agit d’argent public. Cela demande de repenser techniques constructives et matériaux dès les premiers instants de conception. Dans le cas présent, 80 % du budget a été attribué à des entreprises à moins de 15 km à la ronde.

École buissonnière

De la même manière, comment les professeur·e·s accueillent-ils et elles une telle architecture ?

Malheureusement, il n’est pas facile d’échanger avec les enseignant·e·s. Nous n’avons pas eu encore d’occasion pour en discuter, excepté avec le directeur de l’école, qui enseigne également et qui est plutôt satisfait de l’école. Mais peut-être davantage par son côté « neuf » que par son potentiel pédagogique.

Une partie de l’équipe de la direction Recherche et Innovation a réalisé avec les élèves des hôtels à insectes dans d’autres écoles et a organisé une sortie scolaire dans la forêt de Bondy pour reconnecter les élèves avec le monde du vivant. Des animateurs de centre de loisirs ont bénéficié d’ateliers d’échanges avec l’école Living School basée dans le 19e arrondissement de Paris.

Une salle de classe // Juan Sepulveda / Ekopolis / Topophile

Responsabilité publique

Tu soulignes la responsabilité particulière dans l’emploi d’argent public et la contribution au bien commun. Cette posture génère-t-elle une autre manière de faire de l’architecture ?

Nous sommes, pour la plupart, « chargés de mission ». Cela signifie que nous avons un objectif à mener à bien : la mission qui nous est confiée. Nous nous intégrons dans l’écosystème mairie-ville-service public. Nous sommes donc au service du public, rosnéen et au-delà. Nous participons à l’édification d’une école, porteuse de valeurs, d’apprentissages, d’enseignements, de cultures, de rencontres, d’échanges, de partages, vecteurs de souvenirs et berceau d’une évolution. Cette école est destinée aux jeunes générations à venir. Nous avons donc la responsabilité de mener à bien cet équipement pérenne. Il devient dès son ouverture, dès son utilisation, le patrimoine rosnéen. Ces éléments sont le fondement de la conception de l’école publique. Du sens de la conception découle l’exécution qui doit suivre ces marqueurs, sans les trahir pour des causes économiques et temporelles.

Écriture architecturale

Lors de notre visite, tu évoquais viser un objectif technique plutôt qu’esthétique. Cette détermination écologiste me semble révéler un langage architectural de la sobriété qui n’est pas dénué de qualités plastiques. Comment rendre lisible et visible cette expression particulière de l’architecture auprès du grand public ?

Pour moi, il s’agit d’une question de bon sens. L’urgence est là, nous sommes déjà dans l’effondrement. La sobriété est un minimum lorsque l’on fait partie du B.T.P., un des secteurs pesant le plus lourdement sur les écosystèmes, les ressources et les liens sociaux.

Je ne saurais en vérité pa répondre à la question de la lisibilité de notre démarche auprès du public… En effet, celui-ci trouve ce projet « très beau » et me parle souvent de la couleur des fenêtres, du bardage ou de la couleur des sols. Par conséquent, comme avec les entreprises, je continue à expliquer, à qui veut l’entendre, la démarche de notre direction, initiée, d’ailleurs, par Emmanuel Pezrès. L’intérêt étant la démarche, la filière du matériau, le faire, les qualités sociales que la matière génère sur tout son cycle. Vraisemblablement, les matériaux employés simplement, pour ce qu’ils sont et ce qu’ils engendrent, expriment une qualité plastique. Il faut toutefois la décrypter auprès du public.

Menuiseries en façade sud, donnant sur la cour // Martin Paquot / Topophile

Pourtant, par ce nouveau paradigme technique et énergétique, peut-être sommes-nous en train de constituer un socle esthétique pour un style architectural nouveau, peut-être un jour reconnaissable et identifiable par les générations futures. Dès lors, en tant que concepteur, peut-on vraiment choisir d’ignorer cette constitution d’un nouveau « beau » ?

Il est certain que l’enduit chaux-sable accroche la lumière différemment comparé à un enduit monocouche ciment, que les toitures débordantes et les tours à vent sont identifiables dans le paysage urbain, que l’épaisseur des tableaux des menuiseries exprime une matérialité… Une écriture architecturale découlant spontanément des matériaux mis en œuvre est alors lisible.

C’est peut-être cela le « nouveau beau » : porter les recherches d’abord sur les valeurs conceptuelles portées par la matière et les imbrications des matériaux avant de penser à l’esthétique ? Dans l’affirmative, nous y souscrivons effectivement.

Questions
Alexis Desplats

Réponses
Vincent Raeppel

Documents
Équipe d’Architecture régénérative, direction Recherche et Innovation, mairie de Rosny-Sous-Bois.

Photographies
Alexis Desplats, direction Recherche Innovation, Marie-Amélie Lombard, Juan Sepulveda.