Du lisible au visible

« À propos de la Zad de Notre-Dame-du-Covid » de Frédéric Barbe

Martin Paquot | 20 octobre 2020

Introduction

Depuis Pandémie-les-Anthropocènes, Frédéric Barbe nous adresse une lettre, à l’écriture un brin fantasque, sur un monde dont on ne sait s’il est réel ou imaginé : le nôtre.

Face au confinement, au couvre-feu policier, à la peur, à l’oppression, à la défaillance institutionnelle et étatique, il évoque la Zad de Notre-Dame-du-Covid, une Zad « partout » insaisissable – Zone des Acronymes Déployés, Zone Allumée attenante au grand merdier du Développement Durable, Zone Avant Désastre, Zone d’Apprentissage par les Détours et puis s’en vont, etc. Quelle est-elle ?

Écoutons-le (car c’est une lettre qui se lit la voix haute et les poumons pleins) : « un mouvement sans nom, un ensemble indéfini et mouvant de gestes et de relations, sinon toujours amies, du moins bienveillantes ou juste non-contradictoires, informelles ou instituées, un lent entrelacs d’interstices, de rencontres, de corridors empruntés, sentiers et discrètes venelles de diversités et de solidarités, de personnes et de collectifs de personnes, vaste pays secret enchevêtré dans un MADE IN FRANCE vernaculaire et indigène, qui n’est ni identitaire ni hors-sol, une énergie particulière aux multiples couleurs, senteurs, musiques et langues, une vie debout plutôt que couché, avec ‘le Covid et son monde’, ses mondes visibles et, plus souvent encore, cachés. »

« Depuis des semaines, écrit-il, même si nous ne sommes pas en guerre, nous avons été désarmé·e·s et réduit·e·s au silence. Nous avons été stérilisé·e·s au lieu de coproduire une socialisation maîtrisée de ce virus. » Cette Zad de Notre-Dame-du-Covid est précisément cette socialité, cette urbanité, cette hospitalité perdues et tant désirées que le numérique ne peut remplacer. Alors que faire ? Faire face ! Car « ici et là, tout ce qui n’aura pas été défendu sera perdu, et tout ce qui sera gagné, c’est-à-dire vécu, l’aura été par un ensemble collectif de gestes, de paroles, de situations qui s’appellent, dans l’intimité de notre subjectivité comme dans les multiples confrontations du dehors, des rapports de force, mélange d’émotions, de (ré)inventions, de dialogues et de conflictualités. »

Bref, Frédéric Barbe appelle à « un habiter politique situé et corporé » (et relié, pourrait-on ajouter).

En post-scriptum, l’auteur, enseignant-chercheur dans une école d’architecture et à l’université, s’étonne que ces institutions « n’aient pas été prises en considération comme des ressources de leurs territoires pendant la pandémie, mais juste comme des problèmes parmi d’autres problèmes à résoudre » alors qu’il n’y a pas « meilleure formation que de travailler ainsi au bien commun, dans l’inédit du monde qui vient ? »

Frédéric Barbe, À propos de la Zad de Notre-Dame-du-Covid. Hypothèses habitées, Rezé, À la criée, 32 pages, 4 euros.