rural équipement public habitat chanvre métamorphose patrimoine lumière / ombre
Au cœur de la Franche-Comté, la résurrection communale d’un patrimoine banal
Vincent Lombard | 10 février 2023
Introduction
qui Architectes : Rachel Amiot, Vincent Lombard (Architectures Amiot Lombard) | Cheffe de projet : Élodie Bonnefous.
quoi Restructuration de l’ancien presbytère en maison des assistantes maternelles, salles associatives, une bibliothèque et trois logements sociaux intergénérationnels (581 m² S.D.O.)
où 7 rue de l’Église, 25170 Lantenne-Vertière (Doubs)
quand Concours : mai 2012 | Études : septembre 2012 – novembre 2013 | Chantier : janvier 2014 – juillet 2015.
pourquoi Valoriser et faire revivre le petit patrimoine par de nouveaux usages | Développer un programme composite source de mixité générationnelle.
comment Maçonnerie existante en pierre calcaire | Planchers existants (ex-cure) : bois à la française du XVIIIe siècle | Planchers reconstruits (ex-grange) : bois, parquet sur panneau, isolation fibre de bois et lattis | Charpente existante (ex-grange) : reprises ponctuelles | Charpente neuve (ex-cure) : fermes à entrait retroussé (épicéa) | Isolation des toitures : panneaux de fibre de bois sur lattis ou chevrons, portant couvertures | Couvertures : tuiles plates petit moule et rives en zinc | Menuiseries : chêne sans traitement de finition et portes intérieures coulissantes caillebotis bois en chêne | Enduit extérieurs : à la chaux à « pierre vue » | Enduit intérieur isolant : chaux-chanvre | Intervention contemporaine : acier corten | Ventilation : double flux à récupération de chaleur | Plancher chauffant basse température | Pas d’ajout de nouvelle construction.
pour qui Commune de Lantenne-Vertière.
avec qui B.E. structure : Santini Ingénierie | B.E. fluides et électricité : Bellucci | Économiste : Acte Eco.
par qui Terrassement, V.R.D., espaces verts : Accobat, ID Verde | Gros œuvre, enduits : Ortelli | Charpente, couverture, zinguerie : Lazerat | Menuiseries extérieures : Virot | Menuiseries intérieures : Maignan | Serrurerie : Chenet, Blanchard | Plâtrerie, peinture : Filippi | Carrelage, faïences : Lo Piccolo | Plomberie, chauffage, ventilation : Demouge | Électricité : Voirin Denoix.
combien 581 m² S.D.O. (surface dans œuvre) + aménagements extérieurs | 1 023 000 € HT.
Dans le village de Lantenne-Vertière situé à 20 km de Besançon, les volumes des larges corps de fermes, typiquement franc-comtois, dessinent le paysage. Alors que quelques pavillons se sont implantés en marge de ce cœur historique, la commune a fait le choix de valoriser son patrimoine en cœur de bourg en réhabilitant l’ancien presbytère. Inoccupé depuis plus de 20 ans, il accueille désormais un espace socioculturel (faisant également office de salle du conseil municipal, salle des mariages, salle associative…), une petite crèche, une bibliothèque, ainsi que trois logements sociaux intergénérationnels.
Camille Rognon | Le patrimoine religieux, commun à de nombreux villages et souvent qualifié d’ordinaire, ne semble pas être souvent l’objet de tant d’attention. Nombre de municipalités ne savent pas nécessairement comment s’y prendre ou préfèrent marquer leur époque d’une nouvelle construction qui se détacherait de ses voisines. Comment se projet a-t-il germé au sein de la commune ?
Vincent Lombard | La municipalité a fait le choix (courageux) de réhabiliter l’ancien presbytère qui, si rien n’était entrepris, aurait fini par tomber en ruines alors même qu’il s’agit d’une construction qui, sans être ni inscrite ni classée monument historique, fait incontestablement partie du patrimoine communal. Ce type de construction peuple nos campagnes et constitue ce que l’on a coutume d’appeler le « petit patrimoine ». C’est d’une certaine manière un patrimoine commun à tous, méritant à ce titre une réhabilitation soignée, qui ne dénature pas l’existant, sans pour autant renoncer à une certaine modernité. Le choix de la commune d’organiser un concours avec l’appui du C.A.U.E. (Conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement) et de la DRAC (direction régionale des Affaires culturelles), malgré la petite taille de l’opération a valeur d’exemple et démontre qu’une ambition architecturale et patrimoniale trouve naturellement des appuis auprès des services de l’état (DRAC, Conservation régionale des monuments historiques, Architecte des bâtiments de France…) ou apparentés (C.A.U.E.), généralement tout à fait disposés à assister les petites communes, pour peu qu’elles s’engagent dans une démarche qualitative sur le plan architectural. Les exigences « techniques », environnementales, de basse consommations, etc. ne garantissent pas seules la qualité architecturale ou patrimoniale.
Parmi les différentes réponses des architectes au concours, vous êtes les seuls à avoir proposé de conserver le volume de cet imposant bâti intact tout en logeant tout le programme dans cette enveloppe. Qu’est ce qui vous a motivé dans cette démarche et dirigé en ce sens ?
C’était pour nous d’abord une question de « bon sens » : puisque le programme pouvait tenir dans les volumes bâtis existants, nous ne voyions pas la nécessiter d’ajouter de nouvelles constructions. Cela a toutefois nécessité quelques modifications, comme par exemple baisser de 25 cm le niveau d’un plancher existant, tout en le conservant, afin de rendre habitable les combles de l’ancienne cure.
C’était ensuite un raisonnement économique : ne pas dépenser d’argent dans une nouvelle construction, c’est consacrer tout le budget à la réhabilitation et donc permettre des prestations de plus grande qualité pour les matériaux et techniques employées. Par exemple, les planchers et les menuiseries sont en chêne, les plafonds en bois massif, les tuiles de type « monument historique », les enduits intérieurs en chaux-chanvre, prestations peu courantes dans le logement social.
Choisir de réhabiliter le patrimoine existant en cœur de village est certes plus complexe et plus onéreux que d’envisager une construction neuve en périphérie, mais cela présente de nombreux avantages. Sans ce type de réhabilitation, ce patrimoine serait soit condamné à disparaître, soit courrait le risque non négligeable d’être dénaturé en tombant dans le domaine privé. La réhabilitation permet de maintenir une activité en cœur de village, ce qui nous semble essentiel à la survie de ce dernier. D’autre part, ces constructions anciennes, sans être exceptionnelles, possèdent néanmoins des qualités architecturales (par exemple dans les volumes) et constructives (maçonnerie en pierre, charpentes massives…) qu’il est économiquement difficile de retrouver dans une construction neuve. Aussi, conserver l’activité au cœur du village est une manière de lutter contre l’étalement urbain, de limiter la consommation d’espace, l’artificialisation des sols, les déplacements en véhicule… Autant de sujets dorénavant incontournables sur le plan environnemental, même si cela n’avait pas tout à fait la même prégnance il y a plus de 10 ans lorsque nous avons commencé à travailler sur ce projet.
Voyez-vous un antagonisme entre « acte de construire » et « réhabilitation » dans votre pratique d’architectes ?
Dans notre pratique d’architectes, nous ne faisons aucune différence entre projet de construction neuve et projet de réhabilitation. Tous les deux nécessitent un travail de conception spécifique, qui aborde l’ensemble des questions inhérentes à la conception architecturale. Cela peut certes prendre des formes très différentes, mais cela tient davantage à la spécificité du travail de l’architecte, qui est très transversal, puisqu’il aborde des sujets divers et variés comme la construction, l’économie, le développement durable, etc. dans un contexte réglementaire de plus en plus contraignant, sans toutefois perdre de vue la spécificité de cette discipline, notamment la mise en forme de l’espace, de la lumière, la construction, la matérialité, la recherche de modernité et de créativité…
Cette ambitieuse réhabilitation-transformation a non seulement permis de continuer l’histoire du lieu, mais aussi de recréer une intensité et une densité au cœur de ce centre-bourg en regroupant différents programmes en un même lieu. Qu’est-ce que cette mutualisation apporte au projet ?
Nous dirions qu’à cette échelle, il n’y a pas véritablement d’inconvénients à la mutualisation. Cette petite opération regroupe à la fois des usages publics (salle communale, bibliothèque, crèche…) et privés (logements). La salle communale est fréquenté par tous les habitants, c'est même leur principal lieu de réunion. Des liens peuvent se tisser entre les divers usagers, entre les personnes âgées et les enfants de la crèche, autour d’activités comme le jardinage dans le potager de la cour, mais cela dépend évidemment de leur désir ou de leur bonne volonté. Nous avons considéré qu’il fallait offrir un cadre bâti permettant le vivre ensemble, mais sans l’imposer. Les usages publics (crèches, bibliothèque, salle communale…) sont desservis par la cour en R.D.C. bas, alors que les logements ont un accès par le coté, en rez-de-chaussée haut. Ils peuvent toutefois communiquer par un escalier en pierre existant établissant une liaison directe entre les deux, et par l’ascenseur qui est bien évidemment mutualisé entre ces deux parties de programme.
Les logements, les médiathèques ou les lieux de la petite enfance induisent des trames et des proportions très différentes et souvent une typologie normée. Avec les volumes de la résidence et de la grange du presbytère, vous étiez au départ loin de ces « standards » : comment vous êtes-vous appropriés la richesse de ces espaces hors-norme ?
À cette petite échelle de projet, il n’y a généralement pas grande difficulté non plus à faire coïncider le programme et l’existant. C’est le propre du travail de conception. L’architecte possède généralement une bonne capacité à voir les choses pas uniquement comme elles sont, mais aussi ce qu’elles pourraient devenir, à mesurer le potentiel d’un site, même si la vision finale n’est pas toujours déterminée au premier regard. On le constate souvent, les maîtres d’ouvrage ont tendance à se projeter d’emblée dans la transformation alors que, pour notre part, nous fonctionnons plutôt en deux temps. D’abord un travail méticuleux de relevé et de diagnostic vise à se familiariser, à bien connaître et appréhender la construction. Une fois que nous nous sommes imprégnés du réel, nous cherchons à nous en abstraire, car ce qui compte alors est ce que cela peut devenir. La représentation graphique usuelle de l’architecte (en plans, coupes, façades) est essentielle à cette phase, précisément parce qu’elle permet une certaine forme d’abstraction (le dessin aussi fidèle soit-il n’est pas le réel). C’est une des raisons pour lesquelles nous pensons que le BIM risque de se traduire par un appauvrissement du travail de conception. Bien évidemment cette abstraction va se nourrir ensuite de la connaissance de l’existant… Pour en revenir aux qualités et contraintes de l’existant, c’est généralement d’avantage un atout qu’une limitation. Cela permet souvent de disposer de volumes intéressants, d’une belle matérialité, d’espace atypiques.
Du concours aux études, comment avez-vous procédé pour associer les qualités et contraintes de chaque espace au programme ? Cela a-t-il évolué lors de la phase chantier ?
Les espaces de vie ont naturellement pris place dans l’ancienne cure (dont c’était l’usage initial) alors que les espaces publics sont plutôt logés dans l’ancienne grange. Mais ce n’est pas aussi simple : un des trois logements s’étend dans la grange, car il s’agissait là d’une transformation ancienne qui existait préalablement à notre intervention.
Dans la mesure où le relevé et le diagnostic ont été bien réalisés, il n’y a normalement pas ou peu de découvertes en cours de chantier et un chantier de réhabilitation diffère peu, à notre avis, d’un chantier neuf. On devrait toutefois toujours (mais ce n’est pas toujours possible) effectuer un curage du bâtiment en cours d’études et non pas, comme c’est généralement le cas, au démarrage du chantier, car la qualité de l’espace n’est pas toujours pleinement perceptible lorsqu’il est très encombré ou altéré par les interventions antérieures.
Ce lieu est riche de sens et rend hommage à l’abbé Garneret, curé du village, qui a consacré une grande partie de sa vie à l’observation, au témoignage et à la transmission de ce qui fait l’authenticité et le caractère des constructions Franc-Comtoises. Or, aujourd’hui, dans les communes rurales, de nombreuses bâtisses restent inoccupées car non adaptées aux normes de confort. Quelles sont vos méthodes pour répondre à la physiologie du bâti ancien tout en permettant le développement de nouveaux usages ?
Il faut précisément essayer d’éviter les solutions « toutes faites » et donc les réponses architecturales « toutes faites ». Disons que, généralement, vis-à-vis du patrimoine, nous avons tendance à considérer que l’œuvre (à l’origine de la construction) prime sur l’ouvrage. Il faut respecter la composition, la logique constructive, quitte à démolir ou transformer lorsque nécessaire. La transformation est inéluctable pour ce « petit patrimoine » car les aspirations des usagers ne sont plus les mêmes qu’au XVIIIe siècle (le souhait d’avoir des espaces lumineux, avec de grandes ouvertures sur l’extérieur) et les actuelles préoccupations en termes de performance du bâti ajoutent encore à la dichotomie entre logique de conservation et adaptation aux niveaux de performance visés.
Les principales transformations apportées concernent essentiellement la création de nouvelles ouvertures et de nouveaux planchers dans l’ancienne grange, les lucarnes en toiture, l’abaissement du plancher des combles dans l’ancienne cure. Et bien évidemment le remplacement des menuiseries, l’isolation thermique, la création de l’ensemble des installations techniques habituelles (ventilation double flux, chaudière bio-masse, etc.). Des solutions existent pour concilier haut niveau de performance thermique et respect du patrimoine, mais il faut parfois résister au dogme du « Cref – 40 % » (40 % de moins que la consommation de référence) qui peut conduire à des altérations irrémédiables du patrimoine.
Nous avons été missionnés pour un autre projet de réhabilitation d’un ancien presbytère inscrit à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques où il s’agissait (en sus de répondre au programme évidemment) de démonter qu’une réhabilitation performante sur le plan thermique pouvait être menée sur un monument historique dans le respect de sa valeur patrimoniale. Nous avons atteint un niveau de performance thermique Cref – 37 %. Aller jusqu’aux 40 % demandés aurait entraîné dans ce cas précis des solutions considérées comme non respectueuse du monument, de ses qualités patrimoniales. Il n’a pas été facile de convaincre les financeurs que les quelques 3 % manquants ne méritaient pas d’altérer les qualités du monument et qu’il était beaucoup plus pertinent de se contenter d’un gain de 37 % sur la consommation de référence, ce qui était déjà une performance élevée pour ce type de bâtiment.
Quels outils d’intervention avez-vous développé dans le cadre de la réhabilitation de ce petit patrimoine ?
Là encore, il n’y a pas de recette, tout dépend des caractéristiques du bâti, de son mode constructif, de son orientation, des pathologies existantes ou non… Certes, il y a quelques invariants et d’une manière générale, l’utilisation de matériaux naturels, biosourcés, perspirants et issus de techniques anciennes semble logique, car a priori mieux adaptées au bâti ancien. Mais a contrario, il ne faut pas non plus rejeter toutes techniques nouvelles. Certaines peuvent se révéler discrètes et performantes. Nous nous attachons généralement à montrer les interventions contemporaines, de manière à ce qu’il n’y ait pas d’ambiguïté vis-à-vis de la chronologie du bâti, suivant en quelque sorte les principes de la Charte de Venise [Charte internationale sur la conservation et la restauration des monuments et des sites, 1964]. Ainsi, dans ce projet, les nouvelles ouvertures sont clairement identifiables par leur dimension et leur matérialité et les interventions extérieures sont soulignées et unifiées par l’utilisation de l’acier patinable (« Corten »).
Pour cette opération, nous avons isolé les maçonneries par un enduit chaux-chanvre intérieur, particulièrement bien adapté à ce type de réhabilitation. Sur le papier, ce n’est pas très performant car les épaisseurs objectif sont souvent difficilement compatible avec la préservation des espaces, mais à l’usage cela s’avère très pertinent car d’autres phénomènes non pris en compte dans les calculs thermiques entrent en jeu, comme la régulation hydrique, le caractère perspirant du matériau, la conservation d’une certaine inertie thermique…
L’histoire du village est indissociable de la tradition agricole et artisanale. La première fabrique de tuiles, implantée en 1663, a évolué pour devenir une véritable industrie au XXe siècle et finalement intégrer le groupe Wienerberger dans les années 1990. Dans votre travail de sauvegarde et de mise en valeur de ce petit patrimoine, comment trouver les entreprises aux compétences spécifiques et les matériaux locaux liés à ces savoir-faire ?
En milieu « rural », nous avons la chance de trouver encore des artisans qui « connaissent le métier » et qui maîtrisent encore des savoirs faire anciens, même si cela ne constitue pas l’essentiel de leur pratique quotidienne. Sur cette opération, il n’y a pas eu intervention d’entreprise spécialisée « monuments historiques », uniquement de petites entreprises locales. Les tuiles utilisées sont de belles tuiles plates, pas tout à fait de type M.H., car un peu moins épaisses. C’est un compromis plus économique, et le rendu est très satisfaisant. Elles proviennent du groupe Wienerberger qui a offert un très bon prix, mais n’ont pas été fabriquées à Lantenne-Vertière, car la tuilerie du village, très moderne et assurant une grosse production, ne fabrique plus que des tuiles mécaniques. Il n’y a pas eu d’interventionnisme de notre part pour recourir à des artisans locaux, car la petite taille du projet faisait que cela s’est produit assez naturellement. Et puis, en général, les maires sont déjà dans cette logique de développement de l’économie locale. C’est très bien, mais à condition de ne pas en oublier les compétences ou la qualité du travail réalisé.
C’est un peu la même chose pour la provenance des matériaux. Nous sommes bien évidemment très favorables à l’utilisation des ressources locales, mais quand on voit parfois que des bois issus de la filière locale sont de moindre qualité que des bois commercialisés par des industriels étrangers (souvent avec des bois importés de France), il y a une logique qui nous échappe ! Pour cette opération, l’épicéa des charpentes et lattis est local (scierie dans le département), le chêne des menuiseries provient de départements limitrophes. On peut considérer que l’enduit chaux-chanvre est un matériau local dans la mesure où la Haute-Saône est, je crois, le premier producteur de chanvre en France.
L’architecture caractéristique d’une région est bien évidemment fortement locale. Nous défendons donc l’idée d’une architecture locale, qui s’inscrit dans une tradition constructive, mais sans pour autant abandonner la modernité, qui par nature est moins locale, puisque nouvelle.
Le projet présente un dialogue respectueux avec l’existant, entre éléments anciens et nouveaux, sans toutefois muséifier le patrimoine. Si la silhouette du presbytère demeure, les nouveaux usages s’affirment et se dessinent en filigrane. Comment trouvez-vous l’équilibre entre motifs traditionnels et écriture contemporaine ?
Ce type de réhabilitation nécessite effectivement un travail « sur mesure » : chaque intervention doit être finement calée sur l’existant pour le préserver au mieux. Et dans le même temps il faut parfois être plus interventionniste, et démolir ou modifier certaines parties. La plupart du temps, ces constructions pluriséculaires ont déjà été l’objet de transformations au fil du temps : transformations plus ou moins « heureuses », plus ou moins réversibles. Il n’y a, selon nous, pas de principe générique applicable partout, comme par exemple « on restaure le patrimoine dans l’état dans lequel il est parvenu jusqu’à nous », ou a contrario, « on restaure dans l’état originel ». Aujourd’hui, on a tendance à considérer que la valeur patrimoniale augmente avec l’âge et à prêter peut-être moins d’attention au bâti du XIXe qu’à celui du XVIIIe. Or un bâti du XIXe, ou même plus récent, peut se révéler être d’un grand intérêt sur le plan architectural, et un bâti du XVIIIe sans importance ou singularité, ou intérêt notoire. Le maître mot pour transformer le bâti ancien reste selon nous la compréhension de l’ouvrage, de la manière dont il a été conçu et construit. C’est cette compréhension qui va nous permettre d’imaginer comment le réhabiliter et a fortiori comment le transformer, le faire évoluer. C’est un équilibre à trouver.
Par ce projet livré en 2015, la commune a prouvé que son patrimoine est riche et elle-même prête à recréer une dynamique locale. Dans quelle mesure pensez-vous que cette réalisation puisse inspirer et avoir valeur d’exemple pour d’autres initiatives ?
Ce qui nous parait exemplaire dans le processus, c’est la démarche de la municipalité et l’organisation d’un concours de maîtrise d’œuvre. Dans le projet proprement dit, nous dirions que ce qui peut avoir valeur d’exemple, c’est l’attention portée à l’édifice. C’est un travail long et délicat et qui par nature est à recommencer pour chaque édifice, même s’il y a quelques données constantes ou dispositifs récurrents (la manière de construire un mur en moellons, la charpente traditionnelle, etc.). Au fil du temps, nous avons certes développé quelques procédés, que nous avons parfois reproduits, comme par exemple la manière de créer des linteaux dans l’épaisseur de la maçonnerie pour les grandes ouvertures ou la manière d’isoler les toitures en conservant le lattis en sous-face sans se retrouver avec une forte épaisseur (celle de l’isolant) en rives et en bas de toiture. Mais ce n’est pas toujours pertinent et il faut intervenir au cas par cas.
Le bilan que nous avons pu en tirer est très enrichissant sur le plan intellectuel, mais nettement moins sur le plan financier ! Car il n’y a pas de secret, il faut passer beaucoup de temps lors de la conception et de la réalisation et le travail spécifique à chaque opération est par nature peu « reproductible ».
Questions
Camille Rognon
Réponses
Vincent Lombard, architecte (Architectures Amiot Lombard)
Documents
Architectures Amiot-Lombard
Photographies
Architectures Amiot-Lombard, Mathieu Noël, Camille Rognon