Nouvelles de nulle part

L’art du rideau : le confort thermique autrement

Martin Fessard | 16 juin 2024

Introduction

Le bassin minier regroupe près de 60 000 maisons représentatives d’un habitat ancien à la fois renommé pour son architecture [1] et dégradé, dont la situation de forte précarité énergétique fait l’objet d’un vaste projet de rénovation lourde depuis 2017 [2]. En marge de ce processus, une expérimentation de rénovation plus légère et collaborative est actuellement en cours sur 25 maisons de la Cité d’Orient, à Harnes (Pas-de-Calais). Ce projet est porté par la chaire « Acclimater les territoires post-miniers », le bailleur social Maisons & Cités, la Mission Bassin Minier, une équipe de maîtrise d’œuvre issue de la Frugalité heureuse et créative [3] et l’association de maîtrise d’usage « Les Corons d’orient ». Portant sur 4 de ces logements, un atelier collaboratif de 6 jours, mis en place dans le cadre d’un enseignement exploratoire de master de l’École Nationale Supérieure d'Architecture et de Paysage de Lille (ENSAPL), dirigé par Béatrice Mariolle, a été mené en octobre 2023. Il a mobilisé des étudiants de l’ENSAPL, des doctorants et des chercheurs de la chaire [4], des habitants et des designers textiles (About a worker) pour imaginer et fabriquer des prototypes de rideaux hygrothermiques biosourcés in situ. Associant recherche, pédagogie et terrain, l’atelier « Bio-Tex » avait pour but de préfigurer les méthodes et mises en œuvre de la rénovation légère et collaborative de la cité. Cet article en propose un récit parsemé de points d’analyse, appuyés sur les réflexions des anthropologues Wallenborn & Wilhite à propos des rôles du corps et de l’esprit dans les changements de pratiques énergétiques [5], et de celles de l’anthropologue Tim Ingold sur la capacité des ateliers collaboratifs à générer de nouveaux savoir-faire, au-delà du simple apprentissage ou de la transmission [6].

L'art du rideau : le confort thermique autrement
La rue Plewna de la Cité d’Orient, Harnes, Bassin minier Nord Pas-de-Calais. // Stephen Dock / Topophile

Exploration de la matière et des maisons

« Debout ! Venez toucher les matières ! » La salle se met en branle sur cet ordre de Kim Hou (About a worker). Le premier jour d’atelier est dédié à l’exploration de la matière, des techniques de couture et des maisons. Béatrice C., habitante de la cité et ancienne couturière, connaît toutes les matières et les présente aux étudiants. Les équipes associant un habitant avec cinq étudiants sont créées : leur mission est de collaborer pour créer un rideau adapté à la maison de chaque habitant. Les équipes se lancent sur la fabrication de premiers échantillons : découpe des bouts de feutre en laine de Wallonie, de dentelle en coton, de tissus en lin et en chanvre, d’isolants en coton recyclé ou de laine en vrac. Les discussions sur les envies et besoins des habitants s’engagent ainsi concrètement : quels tissus utiliser pour améliorer le confort d’été dans une chambre ? Quelles matières pour organiser un sas d’entrée thermique et visuel au rez-de-chaussée, côté rue dans le séjour et côté jardin dans la cuisine ? Quelle combinaison de fibres pour éviter que toute la chaleur du poêle ne monte immédiatement à l’étage tout en s’isolant de l’air froid provenant de la cave ? Des plans des maisons facilitent les discussions et le travail de conception. Les étudiants se familiarisent avec les machines à coudre, les fils, les fibres, les ciseaux, les épingles en multipliant les échantillons tests.

La fabrication des échantillons dans la salle André Lautem de la Cité d’Orient, à Harnes. // Martin Fessard / Topophile

« C’est tout moelleux, ce lit, mais ça sent parfois l’humidité ». Après cette agitation productive, la conférence d’Emma Cogné, designer textile, suscite dans l’après-midi une forme de relâchement réflexif. Elle développe les aller-retours d’un processus de conception d’un lit baldaquin avec le collectif Zerm, entre sujets de fabrication (comment réaliser le matelassage en laine et lin ?) de thermique (le lit comme microclimat au sein d’une architecture inchauffable) ou encore de changements de pratiques (comment rendre désirable ce retour aux nuits confinées ?).

« Il n’y a rien qui est droit ! » Afin de développer de tels aller-retours durant l’atelier, les habitants emmènent ensuite les habitants visiter leur maison et la cité d’Orient. Les rideaux sont discutés, imaginés, conçus, mesurés in situ en simulant des situations d’usage – l’espace entre la commode et le poêle permet-il de se faufiler entre les rideaux imaginés sans avoir à les ouvrir complètement, au risque de voir s’échapper toute la chaleur du poêle à l’étage ? Tout cela dans l’ambiance baroque de l’intérieur de Manu – une triple épaisseur de rideaux, un papier peint à motifs noir et argenté, un rutilant poêle en faïence et de grands papiers découpés en forme de salamandres – ou celle plus lisse de Lucie – une pimpante et lumineuse chambre rose surchauffée par l’absence de protection solaire aux fenêtres et l’impossibilité d’établir une ventilation traversante.

L'intérieur du logement de Manu avant intervention. // Martin Fessard / Topophile

« Le rideau, c’est aussi une paroi. » En fin de journée, une séance de conception collective permet de pousser les équipes à concevoir et fabriquer des rideaux plus ambitieux. Le rideau de Lucie, conçu initialement uniquement pour le confort d’été, devient réversible, avec une face noire captatrice et une blanche réflective. De même, le rideau de Béatrice C., d’abord pensé comme une simple doublure de la porte d’entrée, devient un véritable sas thermique et visuel, à l’instar de celui de Nathalie. Le rideau développé par l’équipe de Manu habille toute sa cage d’escalier pour mitiger la chaleur entre rez-de-chaussée et étage.

Efficacité quantitative des plans de rénovation lourde en France // Martin Fessard / Topophile

Ces rideaux participent à une rénovation légère. Face au réchauffement et à l’instabilité climatique, on peut alternativement explorer l’architecture comme dissociation entre climats intérieurs et extérieurs ou comme recherche d’interactions et de marges de manœuvre pour permettre aux habitants de s’adapter aux climats au plus près de leur besoin de confort. Dans le contexte de l’adaptation climatique et énergétique du bâti existant, la première option passe par la rénovation lourde, qui consiste en la mise en place d’une enveloppe étanche isolante avec des contrôles mécaniques environnementaux [7] pour générer un confort intérieur à 19°C [8]. Celle-ci peine à faire la preuve de son efficacité d’un point de vue quantitatif – le nombre de réalisation est loin des objectifs fixé (voir ci-dessus) – et qualitatif – son bilan carbone est discuté [9], alors que la baisse des consommations énergétiques est décevante notamment du fait de l’effet rebond [10]. Face à ce constat, la chaire explore la deuxième option à Harnes : plutôt que chauffer toute la maison, celle-ci devient une mosaïque de microclimats, évolutifs et adaptables par les habitants, au plus près de leur ressenti de confort et des saisons, par le truchement de rideaux hygrothermiques, de mobilier chauffant, des finitions isolantes jusqu’aux habits qui sont autant de marges de manœuvre (illustration ci-dessous). Ce qui pose la question de leur mode de conception. En effet, ces éléments de rénovation légers manipulables sont indissociables d’actions des habitants au quotidien et peuvent nécessiter des transformations des pratiques et savoir-faire de confort. Ils ne se décrètent donc pas, mais s’explorent avec les habitants. Cet atelier collaboratif cherchait ainsi à préfigurer par l’expérimentation de rideaux et de parois textiles les méthodes et mises en œuvre de la rénovation légère.

Axonométrie exploratoire de la rénovation légère d’une maison minière. // Martin Fessard / Topophile

Tester l’efficacité thermique du dispositif

« Tu vois, ma surjeteuse, ça coupe et coud en même temps, c’est nickel. » Le deuxième jour d’atelier, les groupes ont pour objectif de fabriquer des prototypes de la taille d’une porte de frigo (80 x 160 cm) pour tester leur efficacité thermique. Guidé par l’assurance couturière de son habitante, le groupe de Béatrice se lance assez vite dans cette fabrication, mais avance lentement du fait de la qualité des finitions exigée par Béatrice. A l’inverse, le groupe de Manu avance très vite, sans s’encombrer de coutures compliquées, afin de tester au plus vite le poids, le toucher, l’apparence et le pliage du rideau en grande taille. Le groupe de Nathalie est à la peine : il utilise une technique de rembourrage de poches en tissus avec des fibres de lin qui s’avère très chronophage. Il change finalement de technique pour un matelassage instinctif de laine en vrac entre deux dentelles, qui s’avère très beau et rapide à réaliser, relativement souple et très agréable au toucher. On voit bien tout l’intérêt de réaliser, tôt dans le processus de création, des prototypes de grande taille : les fabrications trop fastidieuses sont mises de côté, la souplesse des rideaux peut être testée, leur esthétique éprouvée.

« Ferme vite la porte ! » Nous examinons les propriétés thermiques de ces prototypes dans un frigo transformé en chambre climatique. Un thermomètre enregistreur est placé au fond du réfrigérateur, un autre à l’avant. La porte est ouverte le temps que le réfrigérateur arrive à température ambiance. Le prototype est ensuite placé entre les deux thermomètres et étanchéifié avec du scotch, puis la porte est refermée pour 30 minutes. Cette chambre climatique bricolée mesure ainsi la vitesse à laquelle la partie avant du réfrigérateur se refroidit, isolée du fond qui produit le froid par le prototype. Celui proposé pour Nathalie – à base de poches de laine – apparaît ainsi peu performant du fait des trous entre les poches. A l’inverse, le rideau de Manu associe un rembourrage en Métisse (coton recyclé) et une enveloppe en tissus épais serrés de lin et de laine apparaît comme relativement performant. Mais ce test bricolé est surtout l’occasion d’expliquer la conductivité et l’effusivité thermique, ainsi que les phénomènes de convection et de rayonnement.

Test des prototypes « portes de frigo ». // Martin Fessard / Topophile

Plusieurs autres tests techniques ont depuis été menés dans le processus de recherche. Des tests de conductivité thermique ont été réalisés par Vincent Dubois, chercheur au LGCGE de l’Université d’Artois (voir tableau ci-dessous). Par ailleurs, les rideaux réalisés lors de l’atelier, ainsi que ceux fabriqués ensuite par About a worker, ont été installés dans les maisons des habitants et instrumentés (enregistreur de température). Il apparaît que les rideaux ont une conductivité thermique proche et faible (autour de 0,05 (λ) en W/(m.°C)), comparable à un isolant conventionnel ou biosourcé. Néanmoins, leurs faibles épaisseurs limitent la résistance thermique entre 0,5 et 1,2 m².K/W, en deçà de la résistance thermique minimale de 3,2 m².K/W exigée par la réglementation thermique par élément [11]. Les rideaux les plus épais ont cependant des résistances équivalentes à celle de menuiseries à triple vitrage performantes et deux fois plus élevées que des doubles vitrages anciens. Malgré ces performances limitées, nous avons mesuré dans les maisons des différences d’environ 2°C de part et d’autre des rideaux. Ceux-ci jouent par ailleurs à fond leur rôle de marge de manœuvre et de réserve d’interaction, puisqu’ils permettent de mitiger les climats intérieurs, comme le montre le relevé climatique habité de la maison de Manu (voir dessin ci-dessous). Enfin, les entretiens réalisés après installation avec les habitants montrent une nette augmentation de leur confort ressenti. Lucie trouve que « sa chambre est super chaude » alors que « tous les problèmes d’humidité sur sa fenêtre ont disparu ». Béatrice désire désormais « mettre des rideaux tout le long de sa façade pour casser le froid ». Ce temps d’atelier collaboratif pourrait ainsi être appréhendé comme une préparation à la perception des qualités thermiques, hygriques ou décoratives d’un élément de rénovation léger par la participation à sa conception, fabrication et test. Que ces qualités soient réelles ou un peu exagérées, leur perception ne peut qu’améliorer le confort ressenti.

Test de conductivité thermique réalisé par Vincent Dubois, chercheur au Laboratoire de Génie Civil et géoEnvironnement. // Université d’Artois / Topophile
Relevé climatique habité de la maison de Manu. Le rideau habille la cage d’escalier et permet à Manu de concentrer la chaleur du poêle dans le séjour en journée et de la faire monter dans les chambre la nuit. // Martin Fessard / Topophile

Comprendre les processus physiques en jeu

« Le tissu, c’est chaud et faiblement effusif ». Cette séance de tests techniques est suivie d’une conférence par Martin Fessard au sujet des relations entre confort ressenti, flux de chaleur, corps humains et propriétés hygrothermiques des tissus. On peut par exemple calculer la température de contact entre la main humaine et le tissu en laine (36,3°C) et entre le pied humain et le carrelage (25,8°C) à partir de leurs effusivités thermiques pour rendre compte de la sensation de leur toucher chaud ou froid. Il s’agit ainsi de mettre en regard des concepts scientifiques avec les connaissances pratiques que les étudiants et les habitants ont éprouvés ces deux premiers jours d’atelier, par la conception, la fabrication, les tests de terrain ou l’expérience des tissus.

La notion de confort ressenti est centrale dans la rénovation légère. En effet, pour faire réellement baisser les consommations énergétiques du bâti existant, la rénovation doit améliorer le confort ressenti des habitants pour éviter tout effet rebond. Pascal Amphoux oppose ainsi le « mythe du confort universel » au « sentiment de confort » [12]. Le premier, lié à une gestion experte, conforme et automatisée du logement, cherche à garantir les 19°C réglementaires de la rénovation lourde. Si la rénovation lourde recherche le confort universel, la rénovation légère reposerait-elle sur le sentiment de confort ? Selon Amphoux, ce dernier se déploie dans une typologie du confort ressenti. il articule confort de commodité (« une capacité technique d'équipement permettant d'assumer le niveau de confort » [13]), de maîtrise (« possibilité de maîtriser et de régler un niveau de confort à sa guise » [14]) et de réserve (« L’idée de marge, de jeu, de battement […] qui crée la certitude intime et individuelle d’être chez soi » [15]). De même, Philippe Dard qualifie le confort idéal d’ « absence de servitude », de « sensation », et de « relations pratiques et émotionnelles entre corps et équipements » [16]. Améliorer le confort ressenti des habitants serait ainsi tout autant question de température et d’humidité que de marges de manœuvre, d’interactions ou d’émotions climatiques avec les éléments de rénovation et de savoir-faire de confort. Les sciences de l’énergie et de l’architecture vérifient ces hypothèses. Le modèle de Fanger, repris dans les normes françaises sur les ambiances thermiques, tente d’objectiver les conditions climatiques générant un minimum d’insatisfaction pour un maximum de personnes – la « zone de confort universelle » [17]. Elle est remise en cause depuis une vingtaine d’année par les sciences de l’énergie et du génie civil. En effet, la neutralité thermique n’est pas la sensation thermique désirée dans 57 % des cas [18]. De plus, la notion de « confort adaptatif » [19] montre que la sensation de confort dépend de la capacité qu’offre un bâtiment à ses usagers d’adapter et d’agir sur leur environnement – ouvrir une fenêtre, régler un radiateur, s’habiller différemment – et donc de le maîtriser. Néanmoins, ces recherches sur le confort adaptatif se concentrent sur les bureaux, qui offrent à priori aux usagers une capacité d’action plus faible que les logements. La rénovation légère d’Harnes explore donc la régénération des interactions, marges de manœuvre et les émotions climatiques pour améliorer le confort ressenti dans le contexte de l’habitat existant.

Réajuster le projet aux ressources

« Oh, il n’y a plus de Chanel ! » Les équipes occupent la fin de journée à préparer les trois derniers jours d’atelier. Le but est en effet de fabriquer et d’installer les rideaux en trois jours. Nous réalisons par exemple que le tissu en laine offert par une marque de luxe est non local et bien trop cher pour être utilisé à grande échelle, mais nous trouvons des alternatives de tissus en lin déclassé avec un grammage important (400 g/m²) chez Lemaître Demeestere [20]. Les groupes réajustent ainsi leur processus de conception et de fabrication en fonction des systèmes d’accrochage disponibles ou des métrages et des coûts des textiles récupérables.

Approche sensitive et émotionnelle du confort et des rideaux

« Inspirez par le ventre … Sentez l’air qui nous caresse les narines... ». C’est ainsi que Béatrice Mariolle lance le troisième jour, entourée d’étudiants les pieds et les mains dans l’herbe. La désormais traditionnelle séance de yoga lance en douceur, mais efficacement, les journées d’atelier. Nous décidons ce vendredi matin de débuter par une conférence de Béatrice Mariolle sur les mouvements Arts and Craft et Pattern and Decoration. A l’appui d’une conférence de William Morris [21] et d’œuvres de Miriam Schapiro [22], de tissus fluides, de papier-peints aux couleurs chatoyantes, d’intérieurs organiques aux chaudes matérialités, Béatrice Mariolle tisse des liens entre plaisir de fabriquer, ornements et conditions de travail des artistes et artisans.

« Et la dentelle de Sophie Halette, vous aimez ? » Le premier atelier était centré sur des problématiques thermiques, d’usage et de fabrication prises d’un point de vue technique, ce qui a généré des formes plutôt rigides – accordéon en laine semi-rigide, panneau coulissant en coton recyclé. Ce deuxième atelier les explore du point de vue des sensations et des émotions. Béatrice Mariolle et Martin Fessard poussent ainsi les groupes à explorer la liberté de mouvement offerte par la mollesse des tissus – se faufiler dans le rideau fermé –, le plaisir de l’ornement souple des dentelles chez Nathalie, la sensualité du drapé tombant librement dans l’espace chez Manu, réagissant au souffle du vent en été ou apportant toute son apparence moelleuse, chaude et protectrice en hiver chez Lucie. Le confort ressenti n’est alors plus seulement une question thermique, mais aussi visuelle, tactile, en mouvement, une relation pratique et émotionnelle liée aux capacités du textile, inédites dans un bâti plutôt rigide et fixe par ailleurs.

Les rideaux s’ornent et s’assouplissent pour fluidifier leur manipulation et susciter des attachements émotionnels avec les habitants. // Martin Fessard / Topophile

« Ahh ! Le fil a encore cassé ! Béatrice ?! ». Le troisième jour, avant de passer à la fabrication des rideaux finaux, la fabrication est précisément planifiée : dimension des découpes, superpositions et épaisseurs, techniques de coutures, gammes de montage et patrons, conception des interfaces entre rideaux et bâti, tout est dessiné en mettant à profit l’expérience de la fabrication des prototypes de la semaine précédente. Face aux nombreuses sollicitations des étudiants, Béatrice C. se détache peu à peu de son groupe pour devenir, avec Paul Boulenger (About a worker), référente technique de l’ensemble de l’atelier. Ils se confrontent à des problèmes inédits : tracer et découper des tissus souples et glissants de grandes dimensions est particulièrement ardu, tout comme assembler des matériaux plus ou moins extensibles, fragiles et épais. Peu à peu, la salle est entièrement tapissée de lin, laine et dentelles, posés sur les tables, à même le sol, suspendus. La frénésie productive se poursuit le lendemain matin. Les machines cousent, les remplissages isolants sont pré-assemblés, les bords des housses sont surjetés. Le rideau du groupe de Manu glisse sur les tables, poussé par tous les membres du groupe jusqu’à la machine à coudre. Le couturier donne des indications : « plus vite, plus à droite, stop ! » Les petites machines légères vibrent, quelqu’un doit en assurer la stabilité. Elles deviennent le cœur d’une sorte de machine interactive humaine. Au fur et à mesure de la production, les étudiants testent l’effet des rideaux, en les mettant en place dans un sas d’entrée, une cage d’escalier ou une baie.

La fabrication de grands rideaux est ardue, surtout avec de petites machines. Mais quel effet une fois en l’air ! // Martin Fessard / Topophile

« Qu’est-ce qu’une paroi ? Réflexions sur les textiles en architecture de Gottfried Semper à Anni Albers ». La conférence éponyme d’Estelle Thibault, fait écho à cette conquête de la 3ème dimension par le textile. Celui-ci aurait été, au XXe siècle, un outil d’émancipation féminine : le tissu, objet en deux dimensions, devient architecture quand il est spatialisé, et la tisserande-designer devient architecte pour rendre habitables et confortables les architectures des modernes à grand renfort de tapis à l’entretien facile, de parois souples enveloppantes, de revêtements textiles mobiles et de tapisseries chaleureuses.

On le voit, ce type d’ateliers de création collaboratifs mobilise autant le corps que l’esprit des participants vers une transformation des pratiques de confort. Concrètement, cela se traduit par des aller-retours permanents entre expérimentations et conférences, fabrication et conception, tests techniques et de ressenti, exploration des potentiels thermiques et ornementaux jusque dans l’environnement quotidien des habitants : la maison. Dans le champ de la sociologie de l’énergie, les dispositifs favorisant les changements de pratique mis en avant par de nombreux chercheurs sont avant tout mentaux [23] [24] [25] : labels énergétiques, certificats, audits, instructions aux habitants, recours à des influenceurs, incitatifs économiques, engagement personnel ou communautaire, suivi des consommations en temps réel, référence à des normes, objectif à atteindre… Selon G. Wallenborn et H. Wilhite [26], ils ignorent ainsi « les autres sens (dont la proprioception et les perceptions sensori-motrices) impliquées lors de la réalisation d’une pratique ». La transformation des pratiques passerait ainsi « par la création de nouvelles perceptions et mémoires dans les corps », liés à « de nouvelles configurations corps-environnement ». Concrètement, cela pourrait passer par des « mini-aventures [qui] exposent les corps à de nouveaux gestes et perceptions ». L’atelier Bio-Tex montre bien tout l’utilité de mobiliser les corps, en créant de nouvelles perceptions et mémoires liées à la fabrication textile et à l’usage des rideaux. Mais il montre aussi tout l’intérêt d’articuler cette mobilisation des corps avec un appel à la rationalité : elle permet d’associer la sensation chaleureuse du rideau et une potentielle baisse de facture, le plaisir de fabriquer et celui de concevoir.

Le concept de « savoir-faire » peut selon Ingold réarticuler ces deux aspects de la pratique et des habitudes. Il consiste en un « champ total de relations constitué par la présence de l’organisme-personne, inséparablement corps-esprit, dans un environnement », alors que la « pratique habile et expérimentée n’est pas seulement l’application d’une force mécanique [mais qu’elle] mobilise des qualités d’attention, de jugement et de dextérité » [27]. Les aller-retours entre pratiques et théorie s’adresseraient ainsi non pas l’un au corps et l’autre à l’esprit, mais bien aux deux en même temps pour développer conjointement l’attention, la dextérité et le jugement nécessaires l’usage des éléments de rénovation légers, tout cela dans l’environnement quotidien des habitants. Les ateliers d’expérimentation collaborative développeraient ainsi des savoir-faire, qui explorent de nouvelles relations entre corps-esprit et environnement de la maison et des éléments de rénovation légers.

Objectifs pédagogiques, objectifs de recherche

« On réunit tout le monde, ouvriers, techniciens, cadres, designers, commerciaux ». Le quatrième jour, centré sur la fabrication, débute par la conférence de Paul Boulenger. Elle pose la question d’une esthétique liée au processus de conception et de fabrication. About a worker conçoit et fabrique des vêtements avec les ouvriers de l’industrie textile. Il s’agit davantage de concevoir les conditions d’un processus de création collectif qu’un produit fini. Le résultat est plutôt dans la mise en réseau d’acteurs échangeant d’habitude assez peu (designers, ouvriers, commerciaux) que dans les vêtements de travail ou les charentaises à motifs produites.

Le parallèle entre cette méthode de design et le l’atelier Bio-Tex est marquant : il semble consister lui aussi en un processus de recherche et de conception des rideaux partagée entre intervenants de l’habitat social. A première vue on pourrait dire qu’il y avait, en début d’atelier, d’un côté des experts (enseignants, intervenants), d’un autre des apprentis (habitants, étudiants), et enfin des observateurs (bailleur, élus, maîtrise d’œuvre), réunis par la transmission de savoir-faire et d’éléments de rénovation légers. Wallenborn & Wilhite et Ingold inscrivent également les transformations de savoir-faire dans ce rapport expert / apprenti. Ingold considère que « ce n’est pas par la transmission de formules que les compétences passent d’une génération à l’autre » [28] mais « en plaçant les novices dans des situations où ils seront invités à sélectionner des opportunités de perception et d’action » par une « éducation de l’attention ». L’apprentissage des savoir-faire consisterait alors en un « processus de redécouverte accompagnée, au cours duquel le rôle des artisanes expérimentées consiste à préparer le contexte qui permettra aux novices de développer leurs compétences ». L’équipe pédagogique de l’atelier prépare en effet des situations de conception, de fabrication, d’expérimentation où habitants et étudiants sont invités à sélectionner des opportunités de sensation de confort ou d’action avec des éléments de rénovation légers, dans leur environnement quotidien. Néanmoins, l’atelier Bio-tex porte des objectifs pédagogiques, mais aussi de recherche. Il doit explorer l’efficacité d’un processus d’expérimentation de savoir-faire alternatifs, mais aussi de conception d’éléments de rénovation légers innovants. Et il a fait émerger des idées neuves : un système de housse démontable facile à entretenir, l’assemblage de plusieurs petits rideaux plutôt qu’un grand pour faciliter le passage, ou encore des rideaux à épaisseurs inégales plus ou moins souples et isolants. Pourrait-on ainsi dire que l’atelier d’expérimentation collaborative consiste en un processus de découverte guidé, où l’enseignant accompagne autant l’étudiant et les habitants dans leur apprentissage de savoir-faire alternatifs que ceux-ci accompagnent le chercheur dans l’exploration de nouveaux processus et éléments de rénovation légers ?

Programmes des précédents ateliers. // Chaire Acclimater les territoires post-miniers / Topophile

Pour ce faire, le dispositif mis en place est central. Nous pouvons comparer celui de Bio-Tex avec celui de Bio-ARA, atelier d’expérimentation des potentiels ornementaux des finitions en terre crue en auto-réhabilitation accompagnée (ARA), tenu en septembre 2022 dans la Cité d’Orient. Ces deux ateliers s’appuyaient sur des matières locales et des éléments traditionnels des intérieurs miniers – le textile pour Bio-Tex, les ornements à travers le papier-peint pour Bio-ARA – pour susciter des changements de pratique. Néanmoins, les enduits de Bio-ARA ont pris place sur des panneaux et dans une maison inhabitée, alors que les rideaux ont été conçus, fabriqués et testés dans l’environnement quotidien des habitants. Par ailleurs, l’intérêt du confort thermique apporté par les rideaux est plus immédiat que le potentiel de régulation hygrique des enduits terre. Ensuite, les habitants ayant pris part à Bio-Tex ont été rémunérés en échange de leur participation complète à l’atelier, de la conception aux conférences, ce qui n’avait pas été le cas pour Bio-ARA. Enfin, si les rôles de chacun au sein de Bio-ARA étaient relativement clairs – les experts des enduits d’un côté, les étudiants et habitants apprentis de l’autre – c’était nettement moins le cas lors de Bio-Tex. Martin Fessard a des connaissances sur le confort thermique, mais ne sait pas coudre, contrairement à Béatrice C., Paul Boulenger ou de nombreuses étudiantes. Les apports théoriques de Béatrice Mariolle et Estelle Thibault sont d’autant plus intéressants qu’ils prennent une tournure qu’elles n’avaient pas envisagée face aux habitants, experts du confort ressenti dans leur maison. Les mises en œuvre de Bio-Tex étaient ainsi beaucoup plus incertaines et exploratoires même pour les enseignants et chercheurs, ce qui a brouillé les rôles et expertises. On voit donc toute l’importance du dispositif mis en place pour que l’atelier ne soit pas une simple redécouverte telle Bio-ARA, mais bien un processus de réelle recherche accompagnée comme Bio-Tex, où les étudiants et habitants sont chercheurs au même titre que les universitaires et concepteurs.

Clôturer l’expérimentation : installation des rideaux et questions en suspend

« Il est où l’escabeau ? » Suite à la conférence de Paul Boulenger, la fébrilité productive reprend ses droits. Les quatrième et cinquième jours, Béatrice C. et Paul sont partout pour répondre aux problèmes de fabrication. Béatrice Mariolle continue d’encourager les étudiants à explorer des finitions moins lisses, neutres, et fixes. Un débat relativement long agite par exemple le groupe de Manu : peuvent-ils oser un fil de couture de couleur verte pour certaines finitions, ou vaut-il mieux s’en tenir au noir ? Pendant ce temps, les rails coulissants sont installés, les rideaux voyagent entre l’atelier et les maisons pour faire les dernières retouches et Paul bricole comme il peut la ruflette du rideau de Nathalie, qui n’est pas prévue pour un poids si important. Et vers 18h, à la surprise générale, tous les rideaux sont installés !

Les rideaux installés dans les maisons. // Stephen Dock / Topophile

Ce type d’ateliers collaboratifs d’expérimentation fait ainsi émerger des connaissances sur les modes de vie des habitants, des pratiques de confort renouvelées, des éléments architecturaux partagés pour tenter de faire réellement baisser les consommations énergétiques et d’améliorer le bilan carbone, le confort ressenti et le plaisir d’habiter liés à la rénovation énergétique. S’ils deviennent condition de l’efficacité et de l’applicabilité technique, sociale et esthétique des rénovations légères, quelle place leur donner dans des opérations de rénovation ordinaires ? A quel moment du processus de rénovation doivent-ils intervenir, et avec quels budgets et acteurs ? Si la baisse réelle des consommations énergétiques de la rénovation est autant question de mises en œuvre légères que de transformation des savoir-faire de confort, de tels processus de découverte accompagnée sembleraient en tous cas devoir faire partie intégrante des processus d’adaptation énergétique et climatique du bâti existant !

Les rideaux conçus et fabriqués par les designer d’About a worker et les chercheurs de la chaire exposés au 142 rue Debarge, à Harnes, à la suite de l’atelier Bio-Tex. Ils seront testés dans le cadre de la rénovation légère des 25 maisons de la cité minière d’Orient. // Martin Fessard / Topophile

Les protagonistes

Dans le rôle des habitants : Manu, Nathalie, Lucie, Béatrice C. ; dans le rôle des étudiants : 20 étudiants de l’ENSAPL ; dans le rôle des enseignants et chercheurs de la chaire : Béatrice Mariolle (professeure à l’ENSAPL et chercheure à l'IPRAUS, UMR AUSser), Martin Fessard (enseignant à l’ENSAPL et doctorant à la chaire, au LACTH), Estelle Thibault (professeure à l’ENSAPB et chercheure à l'IPRAUS, UMR AUSser) ; dans le rôle des intervenants : Kim Hou et Paul Boulenger (designers textile, About a worker), Emma Cogné, (artiste-designer), Jody Banelli et Chloé Delattre (stagiaires architectes), Estelle Thibault (enseignante chercheure à l’Ipraus, ENSAPB), Vincent Dubois (enseignant chercheur au LGCGE, Université d’Artois).

Le projet a été soutenu par la Drac Hauts-de-France, le fonds de dotation Qualitel, la filière textile des Hauts-de-France (Safilin, Lemaitre Demeestere, Sophie Halette, Whoolconcept, Atelier des matières) et le programme « Engagés pour la qualité du logement de demain » (EQLD), lancé en 2022 par les Ministères du logement et de la culture. Il fera l’objet d’une exposition à la Cité des Électriciens, à Bruay-la-Buissière à partir de mai 2024.

Notes

[1] Depuis 2012, une partie des cités minières est inscrite à l’Unesco au titre de « Paysage culturel évolutif et vivant », accompagnée des fosses d’extraction, des sièges des compagnies, des voies ferrées ou encore d’équipements collectifs.

[2] ERBM (2019) Rénovation des cités minières, Référentiel d’ambitions partagées. ERBM. Disponible sur https://irev.fr/sites/default/files/atoms/files/erbm_-_referentiel_version_publiee_au_25-10-2019.pdf

[3] BLAU, Atelier Post, Quatrine, Tribu.

[4] La chaire « Acclimater les territoires post-miniers » rassemble des chercheurs, des praticiens et des associations en France et à l’international travaillant à la régénération des territoires post-miniers, en s’appuyant sur les méthodes du design, de l’architecture et du paysage. Sa direction scientifique est assurée par Béatrice Mariolle, professeure à l’ENSAPL et chercheure à l'IPRAUS, UMR AUSser, et Daniela Poli (Université de Florence). Cet atelier s’appuie particulièrement sur le travail de recherche de Martin Fessard et de Mélusine Pagnier. Martin est doctorant en troisième année à la chaire, au LACTH (ENSAPL) et au LGCgE (Université d’Artois), sous la direction de Béatrice Mariolle, Vincent Dubois et Frank Vermandel. Son travail de thèse porte sur les méthodes de rénovation légère, au croisement entre la transformation des pratiques de confort et la mise en œuvre d’éléments de rénovation légers et interactifs, tels des rideaux, du mobilier chauffant, ou encore des enduits correcteurs thermiques. Mélusine est également doctorante en quatrième année à la chaire et au LACTH (ENSAPL), sous la direction de Béatrice Mariolle et Frank Vermandel. Elle travaille sur les pratiques collaboratives en architecture. Elle réalise depuis 2022 une permanence architecturale à la Cité d’Orient, qui a permis de créer un climat de confiance entre les étudiants, les chercheurs et les habitants lors de l'atelier Bio-tex.

[5] Wallenborn, G. and Wilhite, H. (2014) ‘Rethinking embodied knowledge and household consumption’, Energy Research & Social Science, 1, p. 56.

[6] Ingold, T. (2021) Machiavel chez les babouins, pour une anthropologie au-delà de l’humain. Paris : Asinamali.

[7] Le terme rénovation lourde, utilisé par l’Union Européenne, correspond en France à la rénovation globale et performante, définie en 2021 par la loi Climat : elle doit atteindre « le classement du bâtiment [...] en classe A ou B » et prendre en compte « l'isolation des murs, l'isolation des planchers bas, l'isolation de la toiture, le remplacement des menuiseries extérieures, la ventilation, la production de chauffage et d'eau chaude ». Source : Etat français, Loi Climat et résilience (LOI n° 2021-1104 du 22 août 2021 portant lutte contre le dérèglement climatique et renforcement de la résilience face à ses effets), Article 155, 2021. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/jorf/id/JORFTEXT000043956924.

[8] Selon le Code de l’énergie, les locaux d’habitation doivent être chauffés à 19°C quand ils sont occupés, 16°C s’ils sont inoccupés moins de 48h et 8° au-delà de 48h. Source : Etat Français (2023) Code de l’énergie, article R241-26. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031748167.

[9] Le projet NZC rénovation, porté par l’Alliance HQE, propose des ACV (Analyse de Cycle de Vie) de sept rénovations et introduit un indicateur « temps de retour carbone brut ». Celui-ci va de 7,2 ans pour la rénovation d’une maison urbaine à 127,6 ans pour la rénovation lourde d’un immeuble de bureaux. Ce projet remet ainsi en question la capacité de la rénovation lourde à faire baisser les émissions de CO2. Il souligne par ailleurs que « les lots fluides [...], finitions et cloisonnement ont un poids notable en rénovation ». Source : Projet NZC rénovation « NZC Rénovation : Quels leviers pour une rénovation vraiment bas carbone ? », Alliance HQE-GBC, 2022,. p. 32 & 35, [en ligne] [https://www.hqegbc.org/nzc-renovation-quels-leviers-pour-une-renovation-vraiment-bas-carbone/]

[10] « La consommation théorique d’énergie primaire d’un logement classé A est 70 % inférieure à celle d’un logement classé G, mais que la consommation réelle d’énergie primaire d’un logement classé A est seulement 28 % inférieure à celle d’un logement classé G [traduction de l’auteur] ». Cela pourrait être « partiellement expliqué par l’effet rebond, selon lequel des technologies plus efficaces [...] font baisser les factures d’énergie et encouragent ainsi l’augmentation de la consommation [traduction libre] ». Source : Daša Majcen, Laure Itard et Henk Visscher, « Theoretical vs. actual energy consumption of labelled dwellings in the Netherlands: Discrepancies and policy implications », Energy Policy, n°54, 2013, p. 125–136, [en ligne] [https://doi.org/10.1016/j.enpol.2012.11.008]

Plus récemment : Astier, J. et al. (2024) « Performance énergétique du logement et consommation d'énergie : les enseignements des données bancaires ». Disponible sur : https://www.cae-eco.fr/performance-energetique-du-logement-et-consommation-d-energie-les-enseignements-des-donnees-bancaires

[11] ADEME (2023) Les exigences réglementaires pour les travaux de rénovation. Disponible sur : https://librairie.ademe.fr/ged/8069/fiche-exigences-reglementaires-renovation.pdf

[12] Amphoux, P. (1990) Vers une théorie des trois conforts. Disponible sur : https://hal.science/hal-01561140

[13] Ibid.

[14] Ibid.

[15] Ibid.

[16] Dard, P. (1988) ‘Le destin de la norme’, in J.-P. Goubert (ed.) Du luxe au confort. Paris : Belin, p. 115–136.

[17] Le modèle de Fanger a été développé dans les années 70 à partir d’études en chambres climatiques. 1300 personnes ont été placées dans différents conditions climatiques (température de l’air, des parois, humidité relative, vitesse du vent), d’habillement (indice clo) et d’activité (indice met), puis ont donné leur confort ressenti. A partir de là, deux indicateurs de confort ressenti statistique ont été calculés. Le PPD – Percentage of Person dissastisfied – donne le pourcentage de personnes non satisfaites par un situation climatique donnée. Le PMV – Predicted Mean Vote – donne un vote allant de -3 pour une ambiance jugée trop froide à +3 pour une ambiance jugée trop chaude, 0 étant la zone neutre, confortable. Ce modèle de calcul du confort ressenti, repris dans la norme française AFNOR EN ISO 7730 sur l’ergonomie des ambiances thermiques (2006), permet de déterminer une zone de confort universel, autour de 23°C. Cette température de confort universel est donc bien supérieure au confort réglementé à 19° par le Code de l’énergie (2015) et prise en compte dans les règles de calcul de la rénovation énergétique TH-C-E ex du CSTB (2008). Selon Gaétan Brisepierre, le choix de la température de 19° semble avoir été arbitraire (2015).

Sources :

AFNOR (2006) NF EN ISO 7730 - Ergonomie des ambiances thermiques - Détermination analytique et interprétation du confort thermique par le calcul des indices PMV et PPD et par des critères de confort thermique local, NF EN ISO 7730. Disponible sur : https://www.boutique.afnor.org/fr-fr/norme/nf-en-iso-7730/ergonomie-des-ambiances-thermiques-determination-analytique-et-interpretati/fa119159/756.

Etat français (2023) Code de l’énergie, article R241-26. Disponible sur : https://www.legifrance.gouv.fr/codes/article_lc/LEGIARTI000031748167.

CSTB (2008) Méthode de calcul TH-C-E ex. Disponible sur : https://rt-re-batiment.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/annexe_arrete_th-c-e_ex_bo_10_10_2008.pdf.

Brisepierre, G. (2015) ‘Les ménages français choisissent-ils réellement leur température de chauffage ? : La norme des 19°C en question’, in C. Beslay and M.-C. Zélem (eds) Sociologie de l’énergie : Gouvernance et pratiques sociales. Paris : CNRS Éditions (CNRS Alpha), p. 273–281. Disponible sur : https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25998.

[18] Humphreys, M.A. and Hancock, M. (2007) ‘Do people like to feel “neutral”?’, Energy and Buildings, 39(7), p. 867–874. Disponible sur : https://doi.org/10.1016/j.enbuild.2007.02.014.

[19] De Dear, R. et al. (2020) ‘A review of adaptive thermal comfort research since 1998’, Energy and Buildings, 214, p. 109893. Disponible sur : https://doi.org/10.1016/j.enbuild.2020.109893.

[20] Lemaître Demeestere est un des derniers tisseurs de lin situé dans les Hauts-de-France, à Halluin.

[21] Morris, W. (1887) Comment nous vivons, comment nous pourrions vivre. Traduit par F. Guevremont. Paris : Payot & Rivages.

[22] Schapiro M. (1989) Rondo : an artist book. San Francisco : Bedfort Art

[23] Nemoz, S. (2015) ‘Au-delà de l’acceptabilité sociale : La sociologie de l’énergie en prise avec les défis systémiques d’une transition des pratiques sociales’, in C. Beslay and M.-C. Zélem (eds) Sociologie de l’énergie : Gouvernance et pratiques sociales. Paris : CNRS Éditions (CNRS Alpha), p. 227–234. Disponible sur : https://doi.org/10.4000/books.editionscnrs.25953.

[24] Sabatier, B. and Lauranne, M. (2015) ‘Donner à l’habitant les clés énergétiques de son logement’, in 2èmes journées internationales de sociologie de l’énergie. Tours: Université François Rabelais, p. 100–103.

[25] Iweka, O. et al. (2019) ‘Energy and behaviour at home: A review of intervention methods and practices’, Energy Research & Social Science, 57, p. 101238. Disponible sur : https://doi.org/10.1016/j.erss.2019.101238.

[26] Wallenborn, G. and Wilhite, H. (2014) ‘Rethinking embodied knowledge and household consumption’, Energy Research & Social Science, 1, p. 56.

[27] Ingold, T. (2021) Machiavel chez les babouins, pour une anthropologie au-delà de l’humain. Paris : Asinamali. p. 218–219

[28] Ibid p. 220-226.