Du lisible au visible
« L’Architecture comme un être vivant : o+h » de Benoît Jacquet et Yann Nussaume
Thierry Paquot | 14 février 2025

Introduction
Benoît Jacquet et Yann Nussaume, fins connaisseurs du Japon, nous offrent une riche présentation de l’œuvre architecturale de l’agence o+h fondée en 2008 par Onishi Maki (née en 1983) et Hyakuda Yuki (né en 1982), qui se connaissent depuis leurs études. Après une substantielle présentation de l’architecture contemporaine au Japon, les auteurs s’entretiennent avec o et h, qui commentent certaines de leurs réalisations tout en explicitant leurs conceptions du métier d’architecte et de l’architecture. Des plans, des coupes, des croquis et des photographies illustrent leurs propos. Ainsi nous entrons dans le processus créatif et comprenons ce que les architectes recherchent : la complicité avec les clients mais aussi les artisans. Ils s’imprègnent du lieu, non seulement comme site, pour l’orientation de la construction et le choix de ses ouvertures, mais pour en saisir la climatique, c’est-à-dire les couleurs, les matériaux, les paysages et tout son histoire culturelle. Ils accordent à la rencontre avec les habitants, les voisins, les enfants, une place importante dans l’élaboration du projet et souhaitent qu’ils en soient les coproducteurs.
Il est temps de désoccidentaliser notre esprit et d’aller voir ailleurs comment la question de l’architecture se pose, ce que permet cet ouvrage. Cette jeune agence se nourrit de l’apport d’architectes japonais qui ont été confrontés à la modernité internationale comme Kon Wajiro, Yoshizaka Takamasa, dans la lignée de Le Corbusier, et aussi des pratiques artisanales traditionnelles, comme celles des charpentiers de Kyoto. L’on retrouve ces inspirations aussi bien dans la « Maison à double spirale », la « Maison cabane et tour », « Maison H », à Tokyo, « Good job ! centre communautaire à Kashiba », « Toberu 1 et 2 »à Kyoto, le centre communautaire de Kumano (Hiroshima), « Copal », aire de jeux pour enfants à Yamagata, « Kioku », musée du tremblement de terre à Kumamoto, ou encore dans le Pavillon du Japon à la Biennale de venise (2023).
Chacune de ces constructions n’est pas conçue comme repliée sur elle-même, mais au contraire comme ouverte à ce qui l’entoure. Pour les architectes, tout bâtiment voisine, d’où l’importance de son rapport à la rue, au jardin, aux maisons mitoyennes, aux volumétries du quartier, aux matériaux locaux, etc. C’est la notion de continuité urbaine qu’ils privilégient, ce qui n’obère en rien la singularité de la maison construite. Celle-ci s’inscrit dans la phrase urbaine avec sa tonalité, son accent, sa fantaisie... Onishi confie : « Notre bureau n’est pas à la pointe de la technologie. Notre atelier reste attaché au travail manuel pour initier modèles et croquis. Toutefois, nous utilisons la technologie pour concrétiser les idées issues de ces processus. Dans tout projet, la première étape est d’avoir une pensée sensible, puis, à partir de plans informatiques, de la réalisation de modèles statiques, nous développons, éprouvons et réalisons l’intention première. » Hyakuda complète ces propos : « La création architecturale et l’utilisation des nouvelles technologies numériques sont deux questions distinctes, même si elles s’entrecroisent. Lorsque la technologie progresse, l’architecture se renouvelle, et aujourd’hui il est relativement facile de créer des formes étonnantes, tridimensionnelles et organiques. »
On restera admiratif des associations des contraires qui pacifient leurs constructions : la souplesse et la rigidité, la courbe et la verticalité, le labyrinthe et la rampe, l’opacité et la lumière, la rugosité du béton et la caresse du bois, la lourdeur d’un mur et la légèreté d’une ouverture, le jeu incessant du dehors et du dedans, la stimulation des cinq sens...
Thierry Paquot
Préoccupés par la question environnementale – comment l’éviter dans un pays sujet à de nombreux tremblements de terre et autres tsunamis ? -, o et h, se veulent aussi à l’écoute des habitants (aussi bien ceux qui commandent le bâtiment, que ceux qui résident à côté ou qui y viendront de temps à autre) et aux qualités du site, le tout avec simplicité et humilité, ce qui ne bride en rien la recherche d’une poétique architecturale. Benoît Jacquet et Yann Nussaume posent les bonnes questions, tant ils connaissent parfaitement leurs réalisations et leurs références, tant japonaises qu’internationales (Frank Lloyd Wright, Louis Kahn, Alvar Aalto). On restera admiratif des associations des contraires qui pacifient leurs constructions : la souplesse et la rigidité, la courbe et la verticalité, le labyrinthe et la rampe, l’opacité et la lumière, la rugosité du béton et la caresse du bois, la lourdeur d’un mur et la légèreté d’une ouverture, le jeu incessant du dehors et du dedans, la stimulation des cinq sens... Le secret de leur architecture ? L’amour. Il faut aimer une architecture pour qu’elle accueille au mieux les habitants mais aussi son propre vieillissement et ses imperceptibles métamorphoses.
Benoît Jacquet et Yann Nussaume, L’Architecture comme un être vivant : o+h, « Paysage et architecture », Arléa, 2024, 206 pages, 17 euros.