Du lisible au visible
« Pour une architecture des communs. Autoconstruction et espaces collectifs » de La Facto
Alexis Desplats | 20 mars 2024
Introduction
Écrit à six mains par Perrine Philippe, Aline Laporterie et Ariane Cohin, Pour une architecture des communs offre une exploration captivante et pertinente de l'écosystème culturel des espaces collectifs et de leur diversité. Alternant intelligemment entre des projets concrets et des concepts théoriques, les autrices nous montrent que les idées de biorégion, de déprise d'œuvre, de chantiers participatifs, de matériaux naturels et d’outils conviviaux trouvent une réalité dans l’autoconstruction et la création de communs.
D'emblée, le lecteur ou la lectrice est accueillie par une préface sans concession qui pose l’état du système économique et politique du monde de la construction, un monde qui petit à petit transforme les paysages humains et grignote les sociétés paysannes. Cette préface signée par Geneviève Pruvost souligne l'importance des idées présentées dans le livre et leur caractère résolument militant.
L'ouvrage offre des outils précieux pour celles et ceux qui souhaitent se lancer dans des projets d’autoconstruction de communs, en mettant l'accent sur la nécessité d'une compréhension approfondie du fonctionnement de l'interaction entre maîtrise d'œuvre et maîtrise d'ouvrage. Cette approche éducative permet aux néophytes de saisir les complexités inhérentes aux différentes étapes de conception et de chantier (quelles normes doivent être absolument respectées et quelles sont celles qui peuvent être transgressées), tandis que les acteurs de la profession y trouveront des exemples inspirants invitant à questionner la pratique, les rôles de chacun·e·s et leurs postures.
Travail d’enquête auprès de plusieurs aventures expérimentales, l’ouvrage nous initie à l’univers des communs, tout en rendant accessibles les concepts théoriques associés. C'est une porte d'entrée bienvenue pour celles et ceux qui découvrent le sujet, qui cherchent à comprendre les enjeux liés aux espaces communs. Les sources et ressources sont facilement identifiables : on y retrouve avec plaisir les auteurs et autrices constituant l’écosystème de la pensée d’une architecture des communs (Bouchain, Hallauer, Illich, Ingold, Paquot, Pruvost, Rollot). Libre à chacun·e d’approfondir la question en se plongeant dans leur écrits respectifs.
À l'heure où les espaces communs sont souvent sujets à la marchandisation, les autrices plaident pour une approche plus holistique, participative et non financiarisée. Elles nous encouragent à repenser la manière dont les espaces communs sont envisagés et gérés au sein de la société en soulignant l’importance de l'accompagnement et de la facilitation par les collectivités locales. On y trouvera ainsi des arguments pour négocier et un large éventail de de stratégies solides.
Une légère frustration, toutefois, le désir inassouvi d'illustrations des projets présentés (photos et plans). Si les axonométries du projet Récolte Urbaine sont très claires et suscitent la curiosité, le lecteur aurait apprécié une exploration visuelle plus détaillée des autres projets évoqués : les Perm de Billom et Perignat, la Bricole à Paris, les Tanneries à Dijon, la Bergerie des Malassis à Bagnolet.
Pour une architecture des communs est bien plus qu'une lecture informative. C'est une boîte à outils complète, posant l’état de l’art du domaine et offrant des retours d'expérience, des approfondissements théoriques, et des instruments juridiques et économiques d'autonomisation. Cet ouvrage deviendra assurément un guide essentiel pour les collectifs et associations souhaitant s'engager dans l'autoconstruction et contribuer à la floraison des espaces communs.
Arianne Cohin, Aline Laporterie et Perrine Philippe (2023), Pour une architecture des communs. Autoconstruction et espaces collectifs, préface de Geneviève Pruvost, illustrations de Perrine Philippe, collection « Recherches », Eterotopia, 225 pages, 22 euros.