L'utopie ou la mort
Soulèvements de la Terre : saison 2
Collectif des Soulèvements de la Terre | 15 septembre 2021
Introduction
À la suite de la tribune « Ne charretons plus pour un monde délétère ! », du premier appel des Soulèvements de la Terre et de l’appel aux architectes par le collectif GRAPE, Topophile co-publie évidemment l’annonce de la deuxième série d’actions pour défendre des terres menacées à court terme par des projets destructifs à une échelle industrielle.
À mesure que s’accélère la dégradation des conditions de vie sur terre, nous sommes de plus en plus nombreux·ses à se sentir tenaillé·e·s par la confusion, la colère et l’absence d'horizon. Qu’attendre d’une énième COP ou d'un catalogue printanier de promesses électorales ? Seul un basculement radical — un soulèvement — pourrait permettre d'enrayer le réchauffement climatique et la 6e extinction massive des espèces déjà en cours. Au fond, nous le savons, il ne nous reste aujourd'hui plus d'autre voie que de mettre toutes nos forces dans la bataille pour enrayer le désastre en cours, et abattre le système économique dévorant qui l'engendre.
Les Soulèvements de la Terre, c'est la tentative de construire un réseau de luttes locales tout en impulsant un mouvement de résistance et de redistribution foncière à plus large échelle. C'est la volonté d’établir un véritable rapport de force en vue d'arracher la terre au ravage industriel et marchand.
Ce printemps, nous nous sommes lancé·e·s dans une première série d'actions aux quatre coins d'un pays encore à demi confiné. Nous avons occupé et cultivé des terres, et bloqué les infrastructures qui les menaçaient dans les montagnes de Haute-Loire ou le bocage de Loire-Atlantique, sur des zones fertiles en périphérie de Rennes ou de Besançon. Nous avons exploré la possibilité de s'organiser nationalement pour paralyser et désarmer des sites industriels stratégiques lors du blocage simultané de 4 centrales à béton d'Île-de-France.
Soudé·e·s par cette aventure, nous appelons aujourd'hui à une 2e saison : le 22 et 23 septembre autour de Niort pour contrer les chantiers de méga-bassines, le 9 et 10 octobre lors d'une marche pour les terres fertiles d’Île-de-France, au cours des mois qui suivront afin d'empêcher des accaparements fonciers et reprendre des terres, puis le 5 mars à Lyon pour assiéger Bayer-Monsanto.
En route vers la saison 2
Après une première convergence de forces contre la bétonisation, cette seconde saison des Soulèvements de la Terre aura pour cible majeure l'accaparement et l'intoxication des terres par le système agro-industriel.
Ce système est un vaste complexe composé de multiples acteurs : des groupes industriels plus puissants que les États, Bayer-Monsanto et ses manipulations sur le vivant en tête ; des politiques public-privé qui privatisent l'accès à nos ressources vitales, telles que l'eau avec les projets de « méga-bassines » ; ou encore des sociétés agricoles à visée hégémonique qui s'approprient des quantités considérables de terres. Mais aussi étendu que soit ce système, nous pouvons le combattre en de multiples points.
Il repose sur une course effrénée à l'agrandissement des exploitations agricoles et à l'augmentation des rendements, au mépris de l'environnement, de la qualité de la nourriture et des conditions de travail. En 2013, 3,1 % des exploitations concentraient à elles seules la moitié des terres agricoles de l’Union Européenne. Il a également conduit à la quasi-disparition de la classe paysanne, comme de pans entiers de la biodiversité, et génère des profits colossaux pour les multinationales productrices de pesticides et engrais chimiques, tandis que les exploitant·e·s peinent à se tirer un revenu et s'endettent à en crever.
Cette agriculture extractiviste requiert un recours croissant à la mécanisation, à l'automatisation et à la chimie. Elle empoisonne massivement les biens communs que sont la terre et l'eau. Elle tue les oiseaux, les rongeurs, les insectes et les humains. C'est une catastrophe pour le climat, la biodiversité et la santé. Malgré tout, les gouvernements successifs continuent, complices, de porter ce modèle avec la FNSEA, structure tentaculaire pilotée par les patrons de l'agro-business. Le renouveau d'une paysannerie à la fois viable et soucieuse du vivant est bridé, bien qu'une partie de plus en plus large de la population en soutienne clairement les principes.
D’ici dix ans, la moitié des exploitant·e·s agricoles actuel·le·s seront parti·e·s à la retraite. C'est l'occasion ou jamais d'arracher ces terres à l'agro-industrie et de construire un mouvement qui articule installations paysannes, occupations de terres et expériences d'auto-organisation communautaire pour la subsistance. La reprise de terres est un impératif historique. Elle ne peut advenir qu'avec une lutte active et résolue pour le démantèlement des incarnations les plus nocives du complexe agro-industriel.
Acte 1
22 septembre : manif-action contre les « méga-bassines », Niort, 12h, place de la Brèche.
Les méga-bassines sont de gigantesques cratères bâchés (entre 5 et 20 hectares). Elles sont présentées comme des "réserves de substitution" en vue de stocker l'eau d'hiver pour arroser l'été, mais sont en fait remplies directement en pompant la nappe phréatique. Ces infrastructures ont un impact écologique majeur sur le territoire. Elles alimentent la fuite en avant de l'agro-industrie, avec son cortège de monocultures de maïs sur des sols stérilisés et de méthaniseurs géants. Les "bassines" constituent un triple accaparement : des terres, de l'eau et de l'argent public, puisque ce sont nos factures d'eau qui les financent pour le profit de quelques coopératives agro-industrielles. La construction de 16 bassines est prévue par les pouvoirs publics. Ce chantier d'envergure est le premier avant la généralisation du dispositif au territoire national. Dans le Pays Niortais, les premiers coups de tractopelles viennent d'être donnés.
C'est dans ce contexte que la FNSEA tient son congrès à Niort, du 21 au 23 septembre prochain avec pour thème : « l'adaptation au changement climatique ». L’objectif : verdir son discours tout en se donnant les moyens de continuer à épuiser les sols et les ressources en eau. C’est une véritable provocation, alors que les débats nationaux du « Varenne de l’eau » sont encore en cours et que les tensions locales autour du partage l’eau se multiplient. Nous appelons à une grande manifestation le mercredi 22 septembre à 12h place de la Brèche pour porter haut la voix de l'écologie et de l'agriculture paysanne face au lobby agro-industriel. Après un banquet, l'après midi du mercredi 22 et la journée du jeudi 23 seront consacrées à des actions contre les « bassines ».
Le 22 septembre n'est qu'une première étape. Dans les mois qui viennent nous continuerons de batailler aux côtés des collectifs Bassines, non merci! pour obtenir l'arrêt immédiat des travaux et l'abandon définitif du projet. Il ne s'agit pas simplement de défendre le marais poitevin, mais d'empêcher également que le modèle de "méga-bassine" ne s'exporte partout ailleurs.
Acte 2
9–10 octobre : marches sur Paris pour les terres fertiles d'Île-de-France et contre la bétonisation.
Pour prolonger la dynamique contre l'artificialisation des sols initiée lors de la saison 1 et les actions menées sur les centrales à béton, nous vous invitons à rejoindre les marches des terres qui partiront de quatre points d'Île-de-France le 9 octobre prochain afin de converger à Matignon le lendemain. Ces marches ont pour but d’exiger un moratoire immédiat sur l’artificialisation des terres en Île-de-France. Depuis les champs de Gonesse, Val Bréon, Thoiry, la ZAD du plateau fertile de Saclay ou encore les jardins populaire d’Aubervilliers, des habitant·e·s luttent pour la défense et la réappropriation collective des terres menacées. A la veille des JO de Paris qui vont faire couler à flot le béton et au lendemain de l’expulsion des Jardins À Défendre d’Aubervilliers, alors que 2000 ha de surfaces agricoles disparaissent chaque année en Île-de-France, iels ont besoin de tout notre soutien.
Acte 3
Tout au long de la saison : battre la campagne contre l'accaparement
Nous souhaitons engager un travail de fond sur l'accaparement des terres par l'agro-industrie, avec pour but de lancer diverses enquêtes, mobilisations et initiatives d'éducation populaire pour lutter localement contre l'agrandissement démesuré des fermes.
Celles-ci pourront prendre des formes multiples : occupations de terres, apprentissage communautaire de la veille foncière et des mécanismes de régulation, diffusion publique des informations relatives aux sociétés qui concentrent le plus de foncier agricole à l'échelle d'un territoire, soutien aux jeunes paysan.ne.s entravé·e·s dans l'accès au foncier par les dynamiques de cumul et d'agrandissement, etc.
Des actions contre l'accaparement sont déjà prévues au cours de l'automne-hiver prochain. En novembre dans le Tarn, nous reprendrons la terre à celleux qui l’exploitent dans l’illégalité et avec la complicité de l’État, au détriment d’un paysan-boulanger bloqué dans son installation. D’autres actions concernant des vignobles du Var et du Jura se préciseront au fil de la saison, en relation étroite avec les forces paysannes locales. Si vous souhaitez travailler à de telles initiatives ou signaler des cas de cumul abusifs empêchant des installations paysannes dans votre secteur, n'hésitez pas à entrer en contact avec le secrétariat des Soulèvements de la Terre.
Acte 4
5 mars 2022 : Assiéger Bayer-Monsanto, Lyon
L'industrie de la chimie est la pièce maîtresse du complexe agro-industriel. Engrais de synthèse, pesticides ou fongicides ont méthodiquement dépossédé les paysan·ne·s de leur autonomie et profondément bouleversé leur lien à la terre. Désormais, notre subsistance alimentaire dépend d'une industrie biocidaire qui ravage tout sur son passage.
Depuis 1901, Monsanto ne cesse de sévir : elle produit PCB, dioxine, glyposate, hormones de croissance, pollution, Roundup, OGM et gène Terminator… En toute connaissance de cause, l’entreprise a systématiquement répondu aux scandales entourant ses activités toxiques par des études biaisées, du lobbyisme féroce et une cohorte d’avocats. Responsable de l’empoisonnement de centaines de milliers d’hectares de terres agricoles et d’autant de cancers, l’entreprise a tout de même été racheté en 2017 par Bayer, scellant l’alliance historique de l’agent orange et du zyklon B. Mettons fin à cette aberration et fermons Monsanto par nous-même, puisqu’aucun gouvernement n’en semble capable. Rendez-vous à Lyon, au siège social France de Bayer-Monsanto, le samedi 5 Mars.
Entre la fin du monde et la fin de leur monde, il n'y a pas d'alternative. Rejoignez les Soulèvements de la Terre.
Retour sur la saison 1
Retour sur la saison 1 des soulèvements de la Terre
Le pari des soulèvements ne repose pas sur des professions de foi mais sur de premiers gestes concrets et des défis partagés, sur des lieux, sur des liens et des amitiés grandissantes. C'est à partir de ces premiers points sur la carte d'un parcours commun que nous pouvons nous projeter ensemble vers la saison 2.
Janvier 2021. Bocage de Notre-Dame-des-Landes. En plein confinement, nous sommes plus d’une centaine à nous retrouver, venu·e·s de toute la France. Nous sommes des habitant·e·s qui résistent à des projets dévastateurs, des paysan·ne·s soucieux·ses de la défense de la terre et du vivant, des jeunes révolté·e·s contre la fin du monde et qui galèrent à la fin du mois, des collectifs de lutte ancrés en ville ou à la campagne. Une même volonté nous anime : la nécessité d'agir en liant nos mondes et manières de résister. De cette rencontre émane l’appel des Soulèvements de la Terre signé par des dizaines de fermes, collectifs et organisations, ainsi qu'un agenda pour une première saison d'actions contre la bétonisation.
27 mars 2021. Quartier des Vaîtes, Besançon. Nous battons le pavé pour défendre les jardins des Vaîtes contre le projet d'urbanisation de la mairie. Un joyeux cortège avec tracteurs et batucada déambule dans les rues. Il rejoint les 34 hectares de terres que les aménageurs voudraient bétonner. Le projet menace une ferme maraîchère, ainsi que des jardins populaires autogérés depuis des décennies. Balades et rencontres animent un après-midi fertile et festif, tandis qu'un tracteur prépare la mise en culture des nouvelles parcelles occupées ce jour. La lutte se poursuit pour l'abandon définitif du projet, et de nouvelles occupations agricoles sont aujourd'hui envisagées aux Vaîtes.
10 et 11 Avril 2021, La Prévalaye, Rennes. Bravant la pluie diluvienne et les interdictions préfectorales, nous sommes 500 à déjouer le dispositif policier. Bêches en main, nous parvenons à mettre en culture une parcelle menacée par l'agrandissement du stade Rennais. Ces plantations collectives sont destinées au Réseau de Ravitaillement des Lutte de Rennes et ses alentours. Cette première occupation de terre marque une étape importante pour la défense de la vocation nourricière et sauvage des 450 hectares de la Prévalaye contre les projets touristico-récréatifs de la métropole.
22 et 23 mai 2021, Le Perthuis-St Hostien, Haute-Loire. Après une manifestation dans les rues du Puy-en-Velay nous gagnons le pays des Sucs. Le projet de déviation de la RN 88 porté par Laurent Wauquiez y menace plus de 140 hectares de terres et menace d’impacter 29 fermes. Malgré les check-points de la gendarmerie, nous parvenons à investir une parcelle sur le tracé de la future route, avec l'appui des paysan·ne·s des alentours. Au fil de la journée apparaissent cabanes et buttes maraîchères. Discussions, rencontres, marche aux flambeaux et récolte de piquets de géomètres sur le tracé de la déviation rythment ce week-end d'occupation.
19, 20 et 21 juin 2021. Saint-Colomban, Loire-Atlantique. Deux carrières de sable menacent de s'étendre sur plus de 400 hectares. Dans leur sillage, l'industrie du maraîchage intensif accapare le foncier agricole. Elle transforme le bocage en mer de plastique pour produire massivement mâche et muguet tout en exploitant des personnes exilé·e·s et précaires. Après une manifestation à Geneston, nous campons sur les terres d'une des ferme impactées : concerts, ateliers, débats. Le lundi à l'aube, une colonne de 40 tracteurs s'élance, direction Océane, une plateforme de distribution du maraîchage industriel. Celle-ci est totalement bloquée pour la matinée, avec le soutien de la CGT et SUD 44. En même temps, une montgolfière prend son envol, emportant une banderole géante des Soulèvements de la Terre. Elle survole la carrière Lafarge tandis qu'un groupe d'activistes parvient à y introduire leurs cygnes et autres crocodiles gonflables. Les deux carrières sont à l'arrêt pour la journée. Entre la plateforme Amazon à Montbert, le méthaniseur géant à Corcoué et les carrières de Saint-Colomban, une longue bataille commence tout juste en Sud-Loire.
Semaine du 29 juin 2021, Grand Péril Express, Paris. Nous sommes plusieurs centaines de personnes venues de toute la France. Nous parvenons à converger discrètement sur le port de Gennevilliers, point nodal de l'industrie francilienne du BTP. Des grimpeurs·euses déploient des banderoles depuis le sommet des silos. Le terminal est entièrement paralysé. Quatre sites stratégiques sont investis, bloqués, repeints et occupés pour la nuit. Trois d'entre eux appartiennent au cimentier Lafarge-Holcim. Le mot d'ordre « désarmons le béton » est pris au sérieux. Du sable est jeté à la Seine. Des barricades de sacs de ciment sont édifiées. Diverses techniques de neutralisation mettent hors service les machines à bétonner et empêcheront que les sites puissent redémarrer immédiatement après la levée de l'occupation. Par ce geste s'ouvre la perspective d'un démantèlement de ces industries écocidaires. Les jours suivants, d'autres sites d’Île-de-France sont bloqués à leur tour, tandis que la statue de la place de la République est ceinte d'un énorme gilet jaune orné du logo des Soulèvements de la Terre. La semaine se clôt par un week-end de rencontres sur la ZAD de Saclay, en lutte contre le projet du Grand Paris Express.
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