rural équipement public bois pierre artisanat local circuit court lumière / ombre
Une architecture ultra-locale
Christophe Aubertin | 13 novembre 2019
Introduction
qui Studiolada, Christophe Aubertin (mandataire), Cécile Demilly (collaboratrice)
quoi Office de tourisme, 150 m2
où Plainfaing (88), France
quand Conception : 01/2018–10/2018 | Construction : 10/2018–07/2019
pourquoi Augmenter l’attractivité touristique de la vallée
comment Mur porteur en pierre massive de grès rose des Vosges, charpente bois et aménagements intérieurs en épicéa, parquet chêne, bardage en mélèze, aménagements extérieurs en grès rose des Vosges
pour qui Communauté d’Agglomérations de Saint-Dié-des-Vosges
avec qui Structure : Barthes bois | Thermique : Fluid’Concept | Gros œuvre & voirie et réseaux divers : Sigma
par qui Ouvrage en pierre : Altan, Senones | Charpente : Il Était Un Arbre, Épinal
combien 370 000 € dont 260 000€ pour le bâtiment
Une économie locale
L’office du tourisme de Plainfaing est un petit manifeste de 150m2 pour les circuits courts et le simple plaisir de la matière. Il permet de saisir la variété et les nuances des « produits » qui s’offrent à nous sur un territoire, un terroir.
L’office de tourisme de Plainfaing est avant tout une histoire de programmation. La communauté d’agglomération de Saint-Dié-des-Vosges souhaitait améliorer son attractivité touristique. Ils ont choisi d’implanter un nouvel édifice à proximité d’un pôle de grande affluence : la Confiserie des Hautes-Vosges, un des premiers sites français de « tourisme industriel ». Cette fabrique artisanale de bonbons des Vosges accueille près de 250 000 visiteurs par an.
Un terrain appartenant à la commune est disponible en face de l’entrée de la confiserie, et offre l’opportunité d’y construire un petit office de tourisme capable d’en capter les nombreux visiteurs et de leur donner l’envie de découvrir le territoire de cette belle vallée.
Le pari de la pierre
Dans les Vosges on construit communément en bois. Mais à l’agence on s’intéresse aussi à la pierre, notamment pour des projets dans la Meuse voisine, territoire de calcaire. Pourtant les Vosges ne sont pas en reste en termes de carrières. Donc, nous nous sommes dit : « pourquoi ne pas essayer l’une des deux pierres très singulières de ce territoire : le granit ou le grès rose ? »
A priori, nous avons pensé que le granit était une pierre plus dure, plus difficile à extraire, à tailler, et donc plus chère aussi nous sommes-nous intéressés spontanément au grès rose. Une simple recherche sur internet nous a indiqué la carrière de grès rose la plus proche du site : la carrière de Champenay, à Plaine sur la frontière alsacienne, à 30 km à vol d’oiseau.
L’architecture en pierre massive est en pleine renaissance. Donner une courbe à ce mur en pierre massive est une petite exploration intermédiaire entre la rationalité des empilements de Gilles Perraudin et l’expression des stéréotomies de Giuseppe Fallacara. Les décalages, le rythme, le tressage des lits juxtaposés : ce cintre est une manière simple de mettre en valeur cette matière en blocs. Par ailleurs, le plan rond est bien celui qui déploie le minimum de linéaire de façade et donc le minimum de matière. C’est aussi la forme structurelle la plus stable : un chainage continu, sans point faible, bref un bon sens constructif dans une zone de sismicité relativement élevée.
Les pierres, sur la proposition de l’entreprise, sont simplement liées avec une colle à carrelage souple. Coté extérieur, les joints sont rebouchés par un mortier fin à la chaux pour une parfaite étanchéité. Le chaînage horizontal est renforcé par deux cercles d’armatures dans des joints légèrement épaissis au niveau des linteaux et en tête d’acrotère.
De grès et de bois
Le grès rose est utilisé sous trois formes : la pierre massive brute de sciage (35x35x140 cm) pour le bâtiment (32 pierres de périmètre sur 10 de hauteur), la dalle de sol adoucie en 3cm et le pavé scié/fendu pour les aménagements extérieurs.
Le bâtiment met en scène une dualité constructive et architecturale : la boîte en pierre accueille une boîte en bois : charpente, parquet, doublages, cloisons, mobilier. Nous n’avons pas initialement cherché à sélectionner l’origine de ces bois mais emportés par l’élan de la pierre locale et la connivence avec les artisans retenus, nous avons voulu pousser l’exigence d’une provenance locale et d’un état brut. Simplement – et sans surcoût – les artisans ont pris le temps de contacter différents fournisseurs locaux.
Ainsi les bois proviennent de quatre scieries vosgiennes :
- Germain Mougenot à Saulxures-sur-Moselotte pour la volige intérieure en sapin,
- Mandray à Taintrux pour les chevrons, l’ossature bois et la volige de toiture en épicéa,
- Duhoux à Ramonchamp pour le bardage mélèze,
- Pierre Moulin à Domèvre-sur-Durbion pour le Parquet Chêne.
Bien entendu le résultat n’est pas parfait, il y a du carrelage dans les pièces annexes, des plaques de plâtre coupe-feu dans le stockage, des panneaux industriels 3 plis pour les meubles, et ne parlons pas des mètres cubes de béton injectés dans le sol… Mais au-dessus du sol, en superstructure, 95 % de la matière est de provenance locale (extraction, transformation et mise en œuvre).
Cela nous réjouit et nous encourage au plus haut point car au-delà des qualités architecturales et environnementales de ces matériaux, nous avons fait confiance et soutenu des producteurs et artisans locaux. L’architecture s’adresse au territoire car la revitalisation des zones rurales passe d’abord par le maintien des économies en place.
texte
Christophe Aubertin
photographies
Ludmilla Cerveny
Christophe Aubertin