ville bureaux réemploi air / vent
Ventilation passive, rénovation active
Ivan Fouquet | 7 octobre 2021
Introduction
qui FAIR (architecte mandataire)
quoi Rénovation bioclimatique d’un immeuble des années 1920 de bureaux | 1160 m² S.D.P.
où 104-106 rue Rivay, 92300 Levallois-Perret
quand Études : février-décembre 2018 | Travaux : mars 2019-janvier 2020
comment Isolation intérieure en métisse et extérieure en fibre de bois | brise-soleil orientable | surventilation nocturne | réemploi du second œuvre | mobilier en réemploi
pour qui ADAFORSS, Association pour le Développement de l’Apprentissage et la Formation aux métiers Sanitaires, Sociaux et médico-sociaux
avec qui Bureau d’études environnement : Tribu | Fluides : Sunsquare | Structure : Metz | Acoustique : A&C| Economiste : Adatt
par qui maçonnerie, plafonds et ascenseur : Migo | charpente, couverture : UTB scop | menuiserie extérieure : Negro | serrurerie : Verre Métal | cloisons : TEP | menuiserie : MBA scop | revêtement sol, peinture : L’Essor scop | électricité : SIE | plomberie, CVC : Sallandre | mobilier et réemploi bois : IDM et Extramuros
combien 1 450 000 € HT + 110 000 € HT mobilier | consommations énergétiques initiales : 183kWhEP/an/m2 – projet : 69,5 kWhEP/an/m2 – ventilation : 36 m3 / h / pers.
Alexis Desplats | Ce projet de rénovation thermique de bureaux semble avoir servi de terrain d’expérimentation pour supprimer notamment toute climatisation mécanique. Quels dispositifs spatiaux et techniques avez-vous mis en place ?
Ivan Fouquet | Avant d’imaginer des dispositifs techniques, nous sommes allés sur le terrain de la sobriété comme nous y invite la démarche NégaWatt : il s’agit en premier lieu de réduire au maximum les besoins. La question des apports internes et des surchauffes dans les locaux de travail et les bureaux en particulier est un enjeu important. Ici nous avons réfléchi avec les utilisateurs à la disposition des pièces pour placer les bureaux et les salles de réunions dans les parties les moins exposées à l’ensoleillement. Les bureaux collectifs sont traversants pour favoriser la ventilation naturelle. L’ensemble des baies disposent de protections solaires extérieures.
Techniquement, nous avons recherché une solution simple, low tech, pour permettre une surventilation nocturne lors des périodes de forte chaleur sans avoir recours à l’arsenal électronique d’une gestion technique centralisée. Pour cette raison, les ouvrants des bureaux sont manuels, et chacun a ainsi la possibilité de laisser sa fenêtre ouverte en soirée pour évacuer la chaleur. Toutes les baies sont équipées de brises soleil à lames orientables (BSO) renforcés pour les sécuriser.
Dans les parties communes, un seul bouton à l’accueil permet de mettre le bâtiment en « mode canicule ». Dans ce scénario des grilles s’ouvrent et une surventilation traversante rafraîchit le bâtiment la nuit. Elle évacue la chaleur et accumule les frigories jusqu’au petit matin. La fraîcheur ainsi émise par le bâtiment dans la journée est beaucoup plus saine que celle d’un climatiseur.
En quoi le travail collaboratif mené avec les occupants du bâtiment a-t-il enrichi le projet architectural ?
La démarche de l’agence est d’être à l’écoute des occupant·e·s, des habitant·e·s pour qui nous travaillons, dans un processus complètement horizontal. Nous utilisons des outils de participation pour que le projet soit une construction collective et non plus la sécrétion cérébrale d’un architecte.
Ce processus est assez magique, si l’écoute est sincère, chacune ou chacun apporte le meilleur de soi-même, exprime ses besoins, ses idées depuis les premiers dessins jusqu’au chantier, aux choix des matériaux de finitions et des coloris. Suivant cette démarche le projet est beaucoup plus adapté aux besoins, il fonctionne beaucoup mieux qu’un projet résultant simplement d’un schéma fonctionnel de programmiste. Il est aussi beaucoup mieux approprié par les utilisateurs à la livraison.
Lors d’une rénovation bioclimatique, quelle relation de travail se développe avec le bureau d’étude thermique, qui plus est, quand celui-ci est Tribu ?
Nous essayons d’entretenir la même forme d’immanence, de rapport de travail horizontal avec les bureaux d’études qu’avec les utilisateurs. Il n’est plus possible aujourd’hui de dessiner seul un projet et de le donner aux bureaux d’étude en phase APD pour qu’il y ajoute les gaines et les équipements.
Nous avons démarré l’étude du projet avec Tribu dès la note technique de l’appel d'offres. Géraldine Samé de Tribu a réalisé un travail poussé de diagnostic, de recherches de solutions, de construction de scénarios tout au long de la phase de conception. Chacun des scénarios proposés avait été calculé et comparé en termes d’impact, de consommation, d’ambiance climatique… avec Tribu les solutions ne sont pas uniquement techniques, au contraire, nous avons essayé de développer ensemble des solutions simples, low tech et frugales.
Le bilan est lui aussi frugal, car la rénovation a permis de diviser par trois la consommation d’énergie primaire, pour la réduire à moins de 70 kWhep/m2.an. Tout en ayant un objectif de renouvellement d’air de 36m3/h/personne soit 11m3/h de plus que la réglementation mais indispensable pour une bonne qualité d’air.
Les occupants ont-ils compris le fonctionnement bioclimatique de leurs bureaux ? Utilisent-ils convenablement les différents dispositifs ? Faut-il (ré)apprendre à tout à chacun quand il faut baisser les volets et ouvrir les fenêtres ? Comment ce travail pédagogique et culturel se met-il en place ? Quel rôle y tient l’architecte ?
Oui, les utilisatrices et utilisateurs ont compris le fonctionnement du bâtiment. Celui-ci a été expliqué tout au long de la conception et nous avons eu une réunion de présentation au moment de la réception. Par ailleurs, Tribu a réalisé des petits livrets explicatifs et il est même question de faire une vidéo. Pour le moment, ils et elles n’ont pas beaucoup eu l’occasion de le mettre à profit : l’an dernier tout le monde était en télétravail et cette année, l’été n’a pas été très chaud… Cela dit, la solution de rafraîchissement naturelle a été utilisée durant deux journées cet été autour du 20 juillet et il semble qu’elle ait particulièrement bien fonctionné.
Son usage est assez intuitif, fermer les volets et ouvrir les fenêtres la nuit est une pratique courante dans les climats plus chauds, c’est une habitude que le « cauchemar climatisé » nous a fait perdre mais qui est simple à comprendre et à réapprendre.
Le rôle de l’architecte est sans doute de concevoir des choses simples, frugales. Il doit cesser de faire reposer le climat intérieur du bâtiment sur la technique et les automatismes et repenser l’enveloppe et l’organisation du bâtiment de manière bioclimatique. Il doit aussi largement communiquer avec les utilisateurs et utilisatrices, pendant la conception et après la livraison. Ils et elles sont indispensables pour faire fonctionner ce bâtiment suivant le vieux slogan « bâtiment passif, habitant actif ».
Plusieurs éléments de second œuvre appartenaient déjà au bâtiment existant, vous les avez déposés, retapés, déplacés plutôt que de les jeter et d’adopter des stratégies homogènes sur l’ensemble du bâtiment. Comment opère-t-on au cas par cas ?
La dernière rénovation de ce bâtiment avait moins de dix ans. Les cloisons de bureaux, les portes, les radiateurs, les réseaux électriques etc. étaient presque neufs. Par économie et bien sûr par souci de sobriété nous avons choisi de les réemployer. Au début de l’opération nous avions réalisé un diagnostic poussé sur ce qui pouvait être réemployé et une recherche de filière de recyclage pour ce qui devait être jeté.
Au moment du chantier, nous avons demandé une dépose et un entreposage soigné ou la protection des éléments récupérés. Les radiateurs ont été repeints, les portes replaquées avant d’être remis en œuvre dans le projet.
Sous la verrière, dans la pièce commune, vous êtes intervenus au touche par touche pour générer l’ambiance… Le goutte-à-goutte humectant les cactus n’incarne-t-il aussi pas votre démarche pointilliste ?
C’est une question très poétique. Mon associé, Baptiste François, et moi avons peut-être un côté un peu japonais, nous sommes un peu animistes et aimons chez les Japonais le soin apporté à chaque chose. Chaque élément abrite une divinité ou plus. Il y a 88 divinités dans un grain de riz. Rénover un bâtiment en animiste shinto nous oblige à prendre en considération chaque chose, à en prendre soin « touche par touche », à réparer, recoudre, repriser. Aujourd’hui nous avons besoin de prendre soin du déjà-là, c’est indispensable et c’est totalement en contradiction avec la brutalité de l’industrie qui nous oblige à extraire, produire, consommer et jeter.
L’ambiance de la grande salle est chaleureuse avec simplement quelques touches de bois. Il n’est pas nécessaire d’utiliser beaucoup de bois pour bénéficier de ses qualités douces et esthétiques. Ici quelques tasseaux rythment l’espace et supportent des cactus. Nous aurions préféré une végétation plus abondante mais ce n’était pas le choix du maître d’ouvrage. Ils sont arrosés par un goutte-à-goutte très low-tech constitué d’un simple tuyau de cuivre, d’une vanne et d’une réserve d’eau pluviale située sous les gouttières du 2e étage.
Questions
Alexis Desplats
Réponses
Ivan Fouquet (FAIR)
Iconographie
Baptiste François (photographies), FAIR & TRIBU (dessins)