Introduction

C’est une grande (re)découverte que Susan Snodgrass partage avec nous dans ce texte, court mais précis : la quintessence du travail de Ken Isaacs, designer humble et visionnaire de la seconde moitié du XX^e siècle.

Grandissant dans le Midwest des années 1930, Isaacs développe une sensibilité et un respect pour la terre, « notre premier foyer à tous ». S’imprégnant des travaux de Buckminster Fuller, il parachève son « éducation à l’écologie » et prend conscience de l’impossible équité de l’accès aux ressources planétaires. Il cherche alors toute sa vie à pallier ce problème. À travers sa pratique, qu’il mêle à sa vie quotidienne, il propose de nouvelles manières de vivre, d’habiter et de donner accès à l’information.  

Se revendiquant des mouvements contre-culturels des années 1960, il prône la simplicité, la frugalité et l’autonomie, comme prérequis à une meilleure compréhension de notre relation au monde. Ses diverses créations sont multifonctionnelles, mobiles et s'adaptent à tous types d’environnements : mobilier, habitations, structures pédagogiques… C’est la notion transversale de « matrice », développée à partir de 1949, qui caractérise fondamentalement sa pratique et son enseignement.

« J’ai choisi ce terme parce que dans chaque cas, je m’efforce de construire un environnement total – ou matrice – qui intègre toutes les fonctions de l’unité en question. »

Ken Isaacs, cité par Susan Snodgrass, p.10

Isaacs intègre dans ses créations les pratiques vernaculaires et participatives de l’architecture. Son engagement dans la revue Popular Science en témoigne, tout comme son manuel autoédité How to Build Your Own Living Structure. Cet ouvrage paraît en 1974, la même année que le plus célèbre Proposta per un’autoprogettazione du designer Enzo Mari. Et l'idée développée y est similaire : rendre le design contemporain accessible à tous. Comme son homologue italien, Isaacs rassemble des modes d’emploi, des dessins et schémas, expliquant étape par étape comment construire soi-même et adapter ses créations. Il n’y développe cependant pas d’idée politique à proprement parler, mais plutôt une approche philosophique du design, encourageant ses lecteurs à adopter un mode de vie nomade et plus respectueux de l’environnement.

Susan Snodgrass conclue que les idées et travaux d’Isaacs ont indéniablement influencé nos contemporains, professionnels comme amateurs. Les recherches qu’elles mènent depuis 2008-2009 ont permis d’apporter une relecture de l’œuvre du designer et d’identifier des liens évidents avec les mouvements des tiny houses, des pratiques du bricolage et du nomadisme urbain.