Dans le miroir du passé
L’enfant et ses besoins dans la cité moderne
Marie-José Chombart de Lauwe | 30 septembre 2024
Introduction
1965, Marie-José Chombart de Lauwe, psycho-sociologue dont les recherches et les enquêtes pionnières sur les enfants dans la ville ont élargi le champ de l’anthropologie urbaine alors naissante, s’indigne dans un article du bulletin Informations Sociales, que la cité moderne ne soit pas pensée en fonction de l’enfant. Elle fustige les logements surpeuplés et les équipements destinés à occuper — et non à éduquer — les enfants. Elle salue la diversité sociale de la rue, mais s’alarme de son influence parfois néfaste et des frustrations qu’elle nourrit. Elle observe que les héros et héroïnes de la littérature enfantine évoluent souvent à la campagne ou dans la nature sauvage, tant bien même les espaces naturels et les terrains d’aventure sont rares dans le quotidien de leurs lecteurs et lectrices. Elle appelle à la création de maisons de l’enfance qui ne seront ni centre d’accueil, ni bibliothèque mais des lieux où « l’enfant apprendra à exercer des responsabilités en y prenant des initiatives afin qu’elle devienne sa maison. » Alors que les initiatives publiques, associatives, éducatives se multiplient pour considérer les enfants comme des citadins à part entière, relisons les écrits de Marie-José Chombart de Lauwe : « Il est possible de mener autoritairement toute une jeunesse, il est possible aussi de laisser les puissances d’argent la conditionner au travers d’un libéralisme ou même d’un laisser-aller apparent. Mais saurons-nous respecter l’enfant, l’aider à choisir librement au milieu des emprises qui l’étouffent, l’amener à devenir un adulte, non pas désabusé ou indifférent, mais capable de se cultiver, de participer à la création de sa société, de découvrir les joies de l’existence ? »
Depuis quelques années le thème de l'inadaptation sociale de l'enfant dans les grandes villes a fait l'objet de recherches pour les spécialistes des sciences humaines ou de réflexions et de discussions pour les éducateurs ou les groupes de parents.
Si l'enfant semble parfois plus perturbé ou tout au moins plus difficile à élever dans ce milieu qu'ailleurs, et le phénomène est beaucoup plus sensible à notre époque qu'il y a cinquante ou cent ans, c'est sans doute que le monde moderne, et en particulier celui des grandes villes, n'a pas été pensé en fonction de l'enfant.
Les besoins de celui-ci ont évolué puisque la structure de la famille a changé, que les rythmes de l'ensemble de la société ne sont plus le même, que les regroupements en unités sociales ne se font plus selon la même échelle.
L'enfant est devenu un personnage important : il est le héros de films, de roman, il sert de motif à la propagande commerciale... Mais, paradoxalement la place où il peut jouer heureux et en sécurité n'est guère prévue en dehors de la maison. A un moment où certains voient notre société s'acheminer vers une civilisation des loisirs, malgré l'augmentation des heures de travail et l'accélération des rythmes, on n'a pas prévu un temps de loisirs pour l'enfant.
« Le monde moderne, et en particulier celui des grandes villes, n'a pas été pensé en fonction de l'enfant. [...] la place où il peut jouer heureux et en sécurité n'est guère prévue en dehors de la maison. »
Or, certains des besoins de l'enfant ont varié depuis ces dernières années. Il ne s'agit naturellement pas des besoins primaires essentiels relatifs à l'alimentation, au sommeil, ni des besoins affectifs : besoins d'amour, de protection, d'autorité auxquels les parents répondent ou devraient répondre.
Nous n'invoquons pas ici les besoins d’instruction qui regardent l'école.
Les besoins en ces divers domaines restent fondamentaux bien que la forme des réponses puisse changer. Ainsi, le liens affectifs et l'identification d'une petite fille à sa mère prennent peut-être un aspect différent quand la mère travaille ou quand elle consacre un temps important hors de son loyer ou encore quand elle se consacre totalement et uniquement à sa famille.
De même, l'école ne prépare pas de façon uniforme le jeune à occuper sa future place d'adulte dans la société, selon l'information et les valeurs qu'elle transmet, selon le rôle actif ou passif qu’elle fait jouer à l’enfant dans la classe. Aux besoins de l'enfant correspondent des réponses toujours plus ou moins socialisées qui se modifient avec l'évolution de la société. Certains besoins semblent même conditionnés au départ par la société. Ce sont ceux qui ont le plus varié, ceux qui sont suscités par la presse enfantine, la télévision, le cinéma, par les stimulations de la rue et des boutiques, par toutes les images qui donnent leur aspect particulier aux cités modernes. La socialisation de l'enfant, l'acquisition de la culture se font par ce canal autant que par l'école, mais de façon spontanée et anarchique.
Les besoins de l'enfant dans sa vie de loisirs
Précisons comment s'expriment le besoin de l'enfant à travers sa vie de loisirs, c'est-à-dire dans la marge de temp libre qui lui reste entre les activités scolaires et les activités familiales telles que les repas, certaines courses avec les parents, etc.
C'est la tranche de vie qui est bien à lui, pendant laquelle il peut se distraire. Une partie de ce temps se passe en famille, lorsque parents et enfants se regroupent devant la télévision ou que les enfants ont assez de place pour jouer entre eux dans le logement, ce qui n'est malheureusement pas toujours le cas, Par moments l'enfant s'isole pour lire la presse enfantine et les romans qui lui apportent à la fois une évasion et une vision du monde particulière.
Le dimanche il va souvent avec ses parents voir un film qui n'est pas toujours fait pour lui, ou faire une promenade qui l'amuse plus ou moins.
Bien des familles ne savent pas comment occuper le temps libre de leurs enfants, spécialement le jeudi [le mercredi aujourd’hui, N.D.E]. Peu nombreuses sont celles qui connaissent les possibilités qui s'offrent à eux, les dangers que certaines distractions risquent de leur faire courir ; plus rares encore sont celles qui ont le temps et les moyens de leur faire profiter de films, spectacles et sorties intéressantes et éducatives pour les jeunes.
La famille ne peut plus répondre seule à tous les besoins de l'enfant dans ce domaine culturel. Mais même si certaines familles en avaient la possibilité en temps, en moyens financiers et en informations, elles n’éviteraient pas que l'enfant ait le désir de vivre avec des camarades de son âge, et cela de plus en plus tôt.
L'enfant aime aussi s'affirmer et exercer son indépendance dans une partie de ses temps libres en se séparant de ses parents. C'est pourquoi il s'oppose parfois, dès 9 ou 10 ans, aux sorties en famille le dimanche et demande à les faire avec ses « copains ».
Son besoin de vivre en groupe par tranche d'âge s'accompagne d'une soif de découverte du monde. Ses yeux sont ouverts à toute impression nouvelle. Il enregistre les réactions des adultes, prêt à en rire ou à les imiter, il apprend les structures et les normes de sa société la plupart du temps sans en avoir conscience. Cette disposition est prolongée du désir d'aventures qui en découle et est exacerbée par la lecture de ses petits journaux. L’aventure est l'occasion de s'impliquer personnellement, de devenir lui-même le héros.
Comment la ville moderne répond aux besoins des 6 à 14 ans
Il existe de types de villes différentes et, à l'intérieur de chaque ville, des zones variées. La ville crée tout de même un milieu global qui a des caractéristiques spéciales pour l'enfant. Elle n'est pas, seulement un cadre, elle est formée par des hommes et exprime leur regroupement en une société, avec ses structures et ses systèmes de valeur.
Rappelons rapidement comment et pourquoi l'évolution du milieu urbain a changé les conditions de vie de l'enfant. Elle a modifié les structures et les conditions de vie de la famille. Elle transforme et accélère les perceptions de l'enfant. Divers et mouvant, ce milieu lui offre des systèmes de valeurs vécus, souvent opposés à la morale classique qui lui est apprise de façon normative et directe dans sa famille ou à l'école.
Les migrations massives de la campagne à la ville au début de l'ère industrielle ont transformé les structures familiales. Le phénomène a été souvent décrit : l'enfant ne vit plu au milieu d'une famille étendue au contact des adultes âgés, des oncles et tantes. Lorsque les parents sont au travail, très rarement un autre membre de la famille les remplace. Pourtant, de nouvelles enquêtes du Groupe d'ethnologie sociale relèvent un désir plus grand des couples de se rapprocher de leur parenté. Peut-être le renforcement de liens affectifs et une certaine aide matérielle sont-ils nécessaires pour compenser la dureté du monde urbain contemporain et l'impression d'isolement.
La rue, le métro, avec leur rythme rapide et la profusion des images : affiches, vitrines, journaux aux kiosques, etc., accélèrent les processus perceptifs de l'enfant. Notre civilisation est parfois définie comme une civilisation de l'image. C'est vrai pour l'enfant qui, à travers toutes les images qu'il reçoit, saisit une information et des impressions d'une façon très globale. Il connait beaucoup et vite sans être obligé de réfléchir pour comprendre. Il peut passer rapidement au jugement. Ces stimulations lui sont procurées par des hommes ou par des créations des hommes, rarement par la nature directement comme cela se produit à la campagne. Les adultes eux-mêmes ressentent de plus en plus le besoin de se retrancher dans la nature pour échapper par moment au milieu humain et avoir le contact avec les éléments.
Pour soigner des troubles psychiatriques de l'adulte, le Pr. Sivadon a créé des ateliers où les malades utilisent uniquement des éléments naturels. Ils ont besoin de leur contact qui les aide à se réinsérer dans la vie de travail et dans une collectivité.
L'enfant dont la personnalité est en pleine formation est, en ville, sévèrement coupé du milieu naturel. La ville, pour tout ce qu'elle offre d’inaccessible à l'enfant provoque chez lui bien de frustrations qui se traduisent par de l’agressivité, de la révolte, du dégout ou par la recherche de moyens détournés ou illégaux pour satisfaire ses désirs.
Si ces remarques caractérisent l'ensemble du milieu urbain, remarquons que certaines différences séparent le « vieux quartier » du « nouvel ensemble ».
« L'enfant dont la personnalité est en pleine formation est, en ville, sévèrement coupé du milieu naturel. La ville, pour tout ce qu'elle offre d’inaccessible à l'enfant provoque chez lui bien de frustrations qui se traduisent par de l’agressivité, de la révolte, du dégout ou par la recherche de moyens détournés ou illégaux pour satisfaire ses désirs. »
Le vieux quartier
Si l'on exclut les quartiers anciens où le niveau de vie est élevé, la plupart des vieux quartiers de Paris manquent d'espaces vert, d'espaces de jeux pour les enfants. R.-M. de Casabianca, étudiant les conditions de vie des enfants il y a quelques années dans un vieux quartier, constatait une telle absence d’espaces verts et d'endroit pour jouer qu'elle publiait ses résultats sous le titre Enfants sans air. Les rues réservées aux jeux, comme il en existe dans certaines villes des Etats-Unis n'existent pas à Paris. L’allée des patineurs, à l’entrée du Bois de Boulogne, une des rares exceptions, sert à des enfants qui ont déjà le Bois à leur porte et sont parmi les plus favorisés.
Cette situation est aggravée par le surpeuplement des logements. Dans notre recherche sur l’inadaptation et les troubles du comportement des enfants de moins de 14 ans, nous avons trouvé que cette variable était un des facteurs importants des déséquilibres. Les deux tiers des fugueurs et des voleurs appartenaient à des familles qui étaient logés à deux, trois, quatre personnes par pièces et souvent davantage. Le pourcentage des troubles psyocho-moteurs — instabilité psycho-motrice, hyper-nervosité, troubles traduisant l’agressivité, les manifestations violentes, colères, etc. — est significativement plus élevé dans les logements surpeuplés. Dans la recherche qui a porté sur plusieurs milliers de cas (ceux passés en revue au cours d’une année dans la majeure partie des consultations spécialisées de la Seine et de Bordeaux) nous nous sommes efforcés d’analyser la manière dont se constituait un trouble dans ces conditions : dégradation des relations parents-enfants du fait de la nervosité, de la tension générale, de l’hyper-affectivité régnant à l’intérieur de ce groupe confiné (interdits multiples, impossibilité pour chacun et en particulier pour l’enfant de se créer un secteur privé, un domaine à soi).
« Le pourcentage des troubles psyocho-moteurs — instabilité psycho-motrice, hyper-nervosité, troubles traduisant l’agressivité, les manifestations violentes, colères, etc. — est significativement plus élevé dans les logements surpeuplés. »
Ce tableau est vrai pour tout logement surpeuple, quel que soit le type d’habitat. La réaction de l’enfant est alors souvent de trouver une compensation à cette ambiance hors de chez lui.
Dans le vieux quartier, l’enfant est souvent renvoyé par ses parents qui ne peuvent plus supporter le bruit qu’il fait en jouant. Il va dans la cour quand il y en a, ou dans la rue retrouver quelques camarades. Cette rue est pour lui pleine d’attirances. Il y forme sa vision du monde et y découvre les personnages, les classes sociales, le pouvoir de l’argent. Toute une partie de sa socialisation s’y effectue pour le meilleur et pour le pire. De toute façon, cet aspect se révèle à lui quand il se rend à l’école. Mais lorsqu’il joue dans la rue il en fait son domaine. De nombreux dangers le guettent : simples dangers de la circulations si meurtrière, dangers de certaines rencontres, dangers des tentations qui le poussent à se procurer de l’argent par n’importe quels moyens pour aller voir un film très attirant, ou acheter un objet prestigieux aux yeux de ses camarades. Les modèles proposés par bien des journaux d’enfants dans le cadre de l’aventure, dans une ambiance de violence, lui donnent souvent une idée des moyens à utiliser. Il se crée dans les petits groupes d'enfants tout un système de valeurs propres à leur tranche d'âge. Dans les magasins du type Monoprix, les bandes trouvent un lieu de rencontre idéal. Il y règne l'anonymat et l'entrée est libre. La couleur, la lumière, souvent la musique créent une ambiance de rêve à laquelle l'enfant participe facilement, mais là surtout, l'enfant est tenté de commettre quelques petits larcins, soit à titre de trophées par bravade aux yeux des camarades, soit parce qu'un objet lui a semblé irrésistible et qu'il ne pouvait se le procurer autrement, étant sans argent la plupart du temps. Ces genres de vols varient de deux à dix par jour dans certains Prisunic. Ils portent rarement sur des objets de valeur.
« Cette rue est pour lui pleine d’attirances. Il y forme sa vision du monde et y découvre les personnages, les classes sociales, le pouvoir de l’argent. Toute une partie de sa socialisation s’y effectue pour le meilleur et pour le pire. [...] Mais lorsqu’il joue dans la rue il en fait son domaine. »
Ce besoin de couleur, de lumière et de gaieté, d'autres lieux du quartier ne pourraient-ils pas les donner aux enfants ? Cette vie en groupe, nous le soulignons encore, ce besoin de s'affirmer d'acquérir du prestige aux yeux des camarades sont tout à fait sains en eux-mêmes. Il est seulement inquiétant qu'ils s'expriment par des actes anti-sociaux. Il est aussi regrettable que la découverte de la vie d'une société, telle que la rue la montre, soit faite au hasard, que les modèles proposés à l'enfant le soient sans que nous en ayons conscience ou, si nous en avons conscience, sans que nous puissions toujours les modifier ou au moins les expliquer à l'enfant pour qu'iln'en soit pas imprégné malgré lui.
Quel local de réunion, quel terrain de jeux, quelles activités dirigées existe-t-il déjà dans les vieux quartiers ? Bien peu de chose, à part ce qui a été installé par les mouvements de jeunes. Dans les îlots remodelés, des terrains de jeux sont installés en fonction du nombre de personnes qui y sont relogées. Mais alors il s'agit de la législation relative à l'édification des cités nouvelles et à leur équipement.
« Il est aussi regrettable que la découverte de la vie d'une société, telle que la rue la montre, soit faite au hasard, que les modèles proposés à l'enfant le soient sans que nous en ayons conscience ou, si nous en avons conscience, sans que nous puissions toujours les modifier ou au moins les expliquer à l'enfant pour qu'iln'en soit pas imprégné malgré lui. »
Les nouveaux quartiers
Dans les cités nouvelles, les fameux « grands ensembles » si décriés (un peu à tort et à travers), des terrains de jeux sont maintenant systématiquement construits. Est-ce à dire que les conditions de vie sont mieux adaptées à l'enfant ? Pourtant l’image du grand ensemble comme cause de regroupement des jeunes en bande de délinquants est courante dans le public. Essayons de faire objectivement le point sur les avantages et les inconvénients des cités nouvelles pour la vie de l'enfant.
Bien que celte situation s'améliore, le grand ensemble comprend encore souvent des logements surpeuplés. Lorsque ce n'est pas le cas, les chambres sont souvent trop petites pour que les enfants y jouent, et la coexistence dans la salle de séjour entre eux et les adultes est souvent mal supportée. La mère, après avoir attendu parfois plusieurs années ce logement neuf et s'être imposée de gros sacrifices pour y accéder, le soigne avec amour et préfère souvent voir l'enfant jouer dehors que salir Ia salle de séjour et la mettre en désordre.
Il aurait mieux valu construire des chambres d’enfants plus grandes et des salles de séjour plus petites. Il faudrait prévoir une salle de jeux (pour le jour où il sera possible de construire un peu plus largement). De toute façon il est normal que l'enfant puisse s'ébattre au plein air avec des camarades pendant une partie de son temps libre.
« Lorsque ce n'est pas le cas, les chambres sont souvent trop petites pour que les enfants y jouent, et la coexistence dans la salle de séjour entre eux et les adultes est souvent mal supportée. »
Il ne semble pas, d'après diverses enquêtes (en particulier d'après une étude de trois cités nouvelles — une cité Le Corbusier à Nantes, une cité au Petit-Clamart, et une à Bordeaux — ainsi que d'après une recherche sur les enfants dans une cité nouvelle de Bourges, que l'enfant ait du mal à s’habituer à ce type d'habitat. L'anonymat, la monotonie ne le touchent pas. Il a tôt fait de se faire des amis, de découvrir des coins. Certains d'entre eux s'estiment même plus heureux que dans leurs anciens quartiers quand ils n'avaient pas ou peu de camarades, et pas d'aire de jeu dehors et quand leur famille leur refusait de descendre dans la rue.
Qu'est-ce qui leur manque alors dans ces cités ?
Peut-être l'absence de la vie de la rue leur supprime-t-elle certaines stimulations, certaines découvertes. Ils sont plus coupés du monde des adultes, voient moins vivre leur société. Ils ignorent certaines tranches d'âge, ne côtoyant plus de personnes âgées du fait de leur presque totale absence dans ces logements. Mais ils sont nombreux à être du même âge. Ils se socialisent par classes d'âge. Ils peuvent facilement vivre entre eux en se coupant du monde des adultes, ce que les jeunes générations ont déjà actuellement tendance à faire, nous l'avons remarqué. Mais la bande peut se trouver les meilleures ou les pires activités. Qui les canalisera dans les grands ensembles ? Personne. On fait un effort pour construire des maisons de jeunes, pour les 15 ans et plus, mais pour les 6 à 14 an on n'édifie rien d'équivalent. Le drame des grands ensembles c'est qu'ils sont faits pour une vie collective et que cette vie collective n'est pas organisée.
« Le drame des grands ensembles c'est qu'ils sont faits pour une vie collective et que cette vie collective n'est pas organisée. »
Certes les bacs à sable, les toboggans amusent les enfants, mais sont insuffisants pour répondre à leurs besoins de découverte, et ils ne structurent pas la bande autour d'activités constructives. De plus les parent se plaignent que les tranches d'âge y soient mélangées et que les petits se fassent bousculer par les plus grands, d'autant plus qu'il n'y a pas de surveillance ou d'encadrement.
Il faudrait aussi décrire le quartier résidentiel de petits pavillons où l'enfant à l'avantage de disposer d'un jardin mais où il peut se sentir assez isolé. Là aussi, il joue souvent dans la rue avec des camarades. Nous pourrions aussi évoquer le goût des enfants pour les terrains vagues dont ils sont de plus en plus chassés par l'édification de nouveaux ensembles. Ils essaient d'utiliser et d'aménager partout les espaces encore disponibles.
« Certes les bacs à sable, les toboggans amusent les enfants, mais sont insuffisants pour répondre à leurs besoins de découverte, et ils ne structurent pas la bande autour d'activités constructives. »
Passivité de l’enfant en milieu urbain
Au fond, dans les divers types de quartiers, le mal est le même sous des formes différentes. L'enfance n'est pas vraiment pensée comme une période essentielle. L'intérêt s'est beaucoup porte sur les jeunes ces dernières années mais les jeunes sont bien souvent ce que leurs années d'enfance les ont préparés à devenir. L'enfant entre dans la vie sociale par l'école et la famille mais aussi par tout ce qu'il reçoit en dehors du milieu familial ou scolaire.
En milieu rural, on voit souvent un jeune garçon conduire un tracteur aux côtés de son père. Il participe à la vie de sa société.
En milieu urbain, il reçoit passivement : dans des jeux comme le toboggan, devant la télévision ou son journal, et bien souvent encore à l’école !
« Au fond, dans les divers types de quartiers, le mal est le même sous des formes différentes. L'enfance n'est pas vraiment pensée comme une période essentielle. »
C'est pourquoi protéger les enfants et les occuper ne suffit pas. La réservation ou la création de lieux protégés, aérés et sains, pour les jeux des enfants n'est qu'un premier pas. Il est aussi indispensable d'admettre la nécessaire présence d’éducateurs et de faire participer les parents à la création des équipements, afin d'éviter les coupures trop marquées dans les divers secteurs de la vie des jeunes.
Il ne s'agit pas de créer de façon autoritaire, de « diriger » l'enfance mais plutôt de regrouper les efforts de ceux qui l’éduquent. Il faut susciter des besoins d'ordre culturel chez l'enfant : intellectuels, esthétiques, moraux. La culture en effet ne se parachute pas. La maison de l'enfance ne peut être un simple centre d'accueil ou une bibliothèque luxueuse. Dans la maison de l'enfance à laquelle nous songeons l’enfant apprendra à exercer des responsabilités en y prenant des initiatives afin qu’elle devienne sa maison. Il se préparera ainsi à occuper sa place dans la cité, à devenir un citoyen.
Puisque nous prenons ces positions, il nous faut être objectifs et essayer à la fois de comprendre quel est le contenu de la culture que nous souhaitons offrir à l'enfant, et quelle place, quel rôle nous estimons être les siens dans la cité. Une définition des besoins culturels de l'enfant s'impose. Il est possible de définir des besoins liés objectivement au développement de l’enfant, des besoins de l'enfant tel que l'adulte les perçoit dans un contexte donné, et des besoins de la société et des adultes à l'égard de l'enfant.
« La maison de l'enfance ne peut être un simple centre d'accueil ou une bibliothèque luxueuse. Dans la maison de l'enfance à laquelle nous songeons l’enfant apprendra à exercer des responsabilités en y prenant des initiatives afin qu’elle devienne sa maison. Il se préparera ainsi à occuper sa place dans la cité, à devenir un citoyen. »
Les besoins culturels de l'enfant
Les besoins de l'enfant sont sous la dépendance de son développement psycho-physiologique. Ils sont liés aussi à son statut dans la société et aux processus de sa socialisation. Les psychologues qui étudient le développement de l’enfant (écoles de Wallon et Zazzo, Piaget, Gesell, etc.) ont décrit l'évolution des processus de connaissance, perception et représentation. Par exemple, le petit enfant ne perçoit pas la continuité d'un récit à travers une série d'images juxtaposées. Du fait de toute une transformation de la perception sociale, l'enfant d'aujourd'hui a appris sans doute en partie grâce au cinéma, aux illustrés, etc., à comprendre et à évoquer toute une situation à partir d’une image illustrée et d'une phrase courte.
Plusieurs éditeurs de collections enfantins ont remarqué que, pour être accepté d'un jeune public, une réédition d'un ouvrage du début du siècle exige des coupures considérables afin d'accélérer le développement de l'action. Ces aspects psycho-physiologiques liés au développement de l'individu et à l 'évolution sociale créent un cadre commun à l’acquisition de la culture.
Le besoin essentiel de l'enfant est de se socialiser. Il apprend à observer sa société ; ses lectures peuvent l'aider à comprendre ce qu'il découvre à chaque instant. Il reçoit par elles de nouvelles images qui expliquent ou complètent ses premières impressions. Il apprend à s’exprimer, à juger, à choisir et à adopter des systèmes de valeur non seulement à l'école mais aussi, nous avons insisté déjà sur ce point, dans tout ce domaine extra-scolaire plus libre, moins contraignant que l'école.
« Le besoin essentiel de l'enfant est de se socialiser. »
Il peut aussi trouver dans ses activités de loisir, une compensation à sa situation. Petit personnage dont le statut est sous le signe de la dépendance, dont le rôle est d'apprendre et d'obéir, il recherche dans sa littérature le jeune héros indépendant qui commande. Fragile et faible il utilise, dans ses jeux et se aventures, la force à ce héros. Les modèles qu’il rencontre vont donc l’aider aussi à développer sa personnalité. La comparaison des systèmes de valeur offert dans les manuels scolaires et dans une littérature destinée aux loisirs révèle une vision de la société qui est souvent à peu près la même (sauf dans la littérature de science-fiction et d'aventures), mais les comportements et les rôles des enfants y différent profondément : les uns étant passifs et dociles, les autres actifs, affirmés et indépendants. Aces deux secteurs de la vie de l’enfant correspondent des besoins culturels différents ; la coupure est créée par la société contemporaine, mais elle pourrait être moins marquée. Les besoins culturels sont liés à un type de société. Cette évidence prend un caractère particulier pour l’enfant, étant donné que ses besoins sont perçus par l'adulte, en fonction de ses besoins (très affectifs) d'adulte à l'égard de l'enfant, et en fonction de ceux de la société globale dont l’avenir repose sur les jeunes générations.
Les besoins de l'adulte à l'égard de l'enfant
L’enfant est pour l’adulte l’occasion de se rappeler sa propre enfance, de rêver, de se renouveler, de tout redécouvrir à travers la vision du monde d’un jeune regard, de compenser ses échecs, de se prolonger soi-même, de se projeter dans l’avenir. Ces besoins se répercutent sur les idées et représentations relatives aux besoins culturels de l’enfant, qui sont également sous la dépendance des attentes de la société globale à son égard. Celle-ci lui demande ou bien de conserver les traditions ou de maintenir une situation présente, ou bien d’innover, que ce soit dans le domaine professionnel, dans le domaine artistique ou tout autre. Elle peut chercher à construire ou des individus passifs, ou des individus actifs dans les secteurs d’évasion — ceci sans risque pour les structures de la société — ou des personnes capables de prendre en charge les milieux dans lesquels elles vivent.
En fonction de ces points de vue, la nature des modèles, présentés à l’enfant et la façon dont ils seront offerts vont différer considérablement.
L’enfant peut être aussi utilisé directement à des fins économiques, comme acheteur lui-même, ou comme motif d’achat pour l’adulte.
C’est à l’occasion de l’étude de l’enfant dans la littérature pour adulte, menée parallèlement à celle de l’enfant dans la littérature enfantin, que nous précisons ces besoins psychologiques et sociaux. Toute une mythologie de l’enfance y est liée. Les conceptions de l’enfance qui sont ainsi dégagées se retrouvent jusque dans les grands courants pédagogiques et dans la littérature enfantine.
« L’enfant est pour l’adulte l’occasion de se rappeler sa propre enfance, de rêver, de se renouveler, de tout redécouvrir à travers la vision du monde d’un jeune regard, de compenser ses échecs, de se prolonger soi-même, de se projeter dans l’avenir. »
A titre d’exemple, voici quelques-unes de ces conceptions. Pour certains l’enfance est l’image de l’humanité première, authentique, non déformée. L’enfance est alors une période qui doit être vécue en référence à elle-même seule et dont on gardera un merveilleux souvenir, celui d’un paradis perdu. Le domaine culturel de l’enfant est alors celui du rêve, de l’irrationnel, de la poésie, de la fantaisie. Dans certaines écoles, ces tendances se retrouvent dans le choix des livres de lecture. Les ouvrages où s’expriment une logique d’adulte, ou une intention morale évidente ne conviendrait pas. Des auteurs séparent souvent l’enfant authentique, porteur de quelques messages, parfois blessé et incompris par les hommes, de l’enfant dressé, caricature du futur adulte qu’il sera bientôt.
A l’extrême opposé, d’autres auteurs décrivent l’enfant comme un petit être réaliste, d’une logique implacable, qui refuse les contes, mais qui a besoin de vraisemblance et d’une culture efficace qui le prépare à son rôle du futur adulte. Il faudrait aussi citer l’espérance de la société future meilleure, non pas par l’amélioration du monde actuel mais par l’intervention de quelque mutation ou de quelque naissance d’un enfant génial… C’est le mythe de l’avenir qui n’est pas toujours éloigné de celui des origines, l’un ou l’autre ayant pour symbole l’enfant.
Ces remarques nous font prendre conscience d’une part qu’il est illusoire d’étudier les besoins culturels de l’enfant isolément, d’autre part que les modèles donnés à l’enfant et plus particulièrement les héros de son âge ont une importance pédagogique certaine, enfin que les représentations et conceptions de l’enfance sont des révélateurs des aspirations d’une société.
Les héros enfantins de la presse pour les jeunes et leur cadre de vie
Nous poursuivons l’étude de ces modèles d’enfants à la fois dans la littérature et la presse enfantine, à la télévision et au cinéma. Prenons quelques exemples dans cette presse qui est un des plus importants moyens de communication pour la jeunesse. Son tirage atteint en effet vingt-six millions d’exemplaires par mois, et chaque numéro est lu par plusieurs enfants.
Nous savons que, grâce à diverses études, et en particulier grâce à celle de Jacqueline et Raoul Dubois qu’une partie de la presse commerciale est des plus médiocre. Malgré les efforts du comité de censure, racisme, bêtise et vulgarité fleurissent encore dans de nombreux petits mensuels pour les jeunes.
Cet aspect est trop connu des éducateurs pour qu’il soit nécessaire d’insister. Mais d’autres aspects sont moins connus : quels modèles d’enfants présentent-ils, dans quels contextes sociaux, familiaux, dans quels cadres les font-ils vivre, quelle vision de l’enfant lui-même et de son univers l’ensemble de ces journaux offre-t-il ?
Voici quelques points parmi les plus simples : une des premières constations est qu’il y a moins de personnages féminins que de personnages masculins dans les récités. Les héros des journaux destinés plutôt aux garçons sont des garçons, des jeunes gens ou des hommes. Dans les périodiques pour filles, les personnages sont des enfants et des adolescents des deux sexes, rarement des adultes et dans ce cas à peu près jamais des femmes. Le même phénomène se retrouve dans le roman : les romans lus par les deux sexes comportent plus de garçons que de filles, ceux pour garçons presque uniquement des garçons, ceux pour filles, les deux sexes avec une petite majorité de filles. Si nous prenons non plus le héros lui-même, mais son entourage familial, les résultats vont dans le même sens.
Garçon | Fille | Ensemble | |
Ensemble des personnages masculins | 43.5 % | 57.6 % | 50.7 % |
Ensemble des personnages féminins | 21.3 % | 36.5 % | 28.6 % |
Absence de personnages familiaux | 54.9 % | 35.7 % | 45.1 % |
Le père seul est présent dans 17,5% à 19,5% des cas selon qu’il s’agisse d’un héros garçon ou fille, la mère dans 3 à 8% des cas seulement.
L’image de la femme et de la petite fille sont souvent en opposition. Ce premier fait traduit le flottement des images de la femme dans notre société et peut expliquer du moins en partie la difficulté des filles à s’identifier à leur propre sexe. Des études sur l’identification des enfants à leur sexe ont en effet montré que bien des filles auraient préféré être garçon, alors que l’inverses est exceptionnel. D’autres révèlent que le garçon choisit les héros masculins dans es lectures et la fille des personnages de l’un et l’autre sexe.
Le cadre géographique dans lequel vit le petit personnage est aussi très significatif des représentations, des besoins et des goûts que l’on prête à l’enfance. L’enfant est situé dans la nature, sauvage ou cultivée, beaucoup plus souvent qu’en ville : celles-ci ne servant de cadre que pour le tiers des enfants, et généralement dans une seule partie de l’épisode. La nature sauvage est aussi représentée dans le tiers des cas, le village ou la campagne dans plus de 40% des cas. Si nous partons plus du personnage, qui vit souvent dans plusieurs de ces cadres, par exemple au village, puis dans une ferme, mais du nombre des lieux décrits par rapport à la ville l’importance de la nature apparaît encore mieux :
Filles | Garçons | Ensemble | |
Ville, banlieue ou petite ville | 23.8 % | 24.6 % | 24.2 % |
Village ou campagne | 38.1 % | 27.7 % | 32.9 % |
Nature sauvage, piste ou routes, véhicules (bateau, fusée...) | 38.1 % | 47.7 % | 42.9 % |
Total des cadres géographiques | 100 % | 100 % | 100 % |
Le cadre urbain n’occupe donc qu’une place limitée parmi l’ensemble des cadres dans lesquels les auteurs font évoluer leurs jeunes personnages : à peine le quart, ce qui est peu pour une société urbanisée comme la nôtre.
Les filles vivraient un peu plus souvent que les garçons en milieu rural, les garçons un peu plus dans la nature sauvage ou sur les routes. Cette différence est principalement due à des récits qui situent les filles dans le milieu aristocratique de châteaux édifiés en pleine campagne ou dans des collèges très luxueux installés également dans des châteaux, de jolis manoirs, ou de vieilles abbayes mystérieuses. Ce cadre est moins fréquent pour les garçons qui, en revanche, passent souvent leur vie sur un bateau, comme jeunes capitaines, mousses, ou second d’un héros adulte, ou surtout sont montrés se déplaçant sans cesse à la poursuite de voleurs, d’espions, etc., tel le fameux « Tintin » ?
La fréquence de la nature sauvage dans une littérature d’évasion om les thèmes d’aventure, de voyage, d’exploration sont classiques ne surprend pas. Pourtant l’exotisme pourrait s’exprimer par la description de villes de pays lointains et c’est le cas lorsqu’on montre par exemple un garçon poursuivant des trafiquants de drogue en Extrême-Orient. Mais la jungle ou l’île déserte sont choisis plus souvent par les auteurs. L’aspect rural, parfois lié à la vie dans un ranch des Etats-Unis ne s’explique que partiellement par les thèmes. Il s’agit rarement d’un cadre de vacances. Mais le cadre villageois et campagnard n’est-il pas perçu comme celui de l’enfant, plus que le cadre urbain ? L’analyse des textes scolaires, des romans pour enfants semble nous autoriser à en faire l’hypothèse. Nous retrouvons ici probablement un des conceptions de l’enfance trop vite évoquée, ici, telle qu’elle se traduit dans les publications pour enfants.
« Le cadre urbain n’occupe donc qu’une place limitée parmi l’ensemble des cadres dans lesquels les auteurs font évoluer leurs jeunes personnages : à peine le quart, ce qui est peu pour une société urbanisée comme la nôtre. »
Pour une politique de l’enfance
La confrontation entre d’une part les conditions de vie, les pratiques des jeunes générations et d’autre part les représentations et les modèles qui leurs sont donnés, met en évidence des discordances qui peuvent perturber l’enfant. En voici deux exemples :
- Une discordance entre les images et les modèles. L’image de la petite fille et de la femme sont souvent en opposition, nous l’avons vu. Ce fait traduit le flottement des images de la femme que nous avons étudié par ailleurs. Il peut être vécu par l’adolescence comme un conflit à résoudre.
- Une opposition entre les modèles culturels et les structures sociales. Par exemple, l’enfant est perçu comme lié à la nature. Dans ses lectures, à l’école ou dans la presse pour les jeunes, on lui montre l’enfant au milieu de cadres naturels. Pourtant en ville, les espaces verts, les terrains de jeu font gravement défaut. Il faudrait aussi souligner que dans la presse, la télévision ou le cinéma, les modèles présentés à l’enfant sont caractérisés par leur indépendance, leur esprit d’initiative. Quels supports sociaux sont prévus pour répondre à l’envie d’agir, de prendre des initiatives en groupe avec sa tranche d’âge ? Il n’y a pas de maisons de l’enfant prévues parallèlement à l’édification de nouveaux ensembles, mais seulement quelques équipements comme les toboggans qui occupent sans éduquer.
« Il n’y a pas de maisons de l’enfant prévues parallèlement à l’édification de nouveaux ensembles, mais seulement quelques équipements comme les toboggans qui occupent sans éduquer. »
La réponse aux besoins de l’enfant se fera-t-elle en lui donnant des compensations dans le domaine de l’évasion et du rêve, grâce à la littérature, aux films ? Ou bien des équipements socio-culturels seront-ils étudiés et mis en place pour qu’il puisse jouer avec ses camarades les rôles que les mass-media lui proposent constamment ? Les terrains d’aventure, les plaines Robinson, les maisons des enfants qui sont réalisés dans divers pays sont des formules qui pourraient être adaptées aux goûts des familles françaises. Tout un apprentissage à la participation à la vie en groupe peut s’y acquérir. C’est peut-être dès l’enfance que se conditionne cette passivité générale, en particulier devant la culture, dont se plaignent les responsables des maisons de jeunes et de la culture.
Ces quelques réflexions, ces exemples, ne sont que des suggestions. Les études qui suivent les prolongeront. C’est en fonction des observations qui ont été faites sur l’enfant dans sa famille, à l’école, dans la vie extra-scolaire, sur les rapports entre ces trois tranches de sa vie que des conclusions pratiques ont pu être tirées par des Francs et Franches Camarades [organisation laïque d’éducation populaire, N.D.E.]. Il était nécessaire, avant de rechercher des mesures, de prendre conscience combien les besoins de l’enfant peuvent être conditionnés par les besoins de l’adulte et par le type de société dans lequel il vit, combien aussi les réponses qui seront données auront d’importance pour la société de demain. Il est possible de mener autoritairement toute une jeunesse, il est possible aussi de laisser les puissances d’argent la conditionner au travers d’un libéralisme ou même d’un laisser-aller apparent. Mais saurons-nous respecter l’enfant, l’aider à chosir librement au milieu des emprises qui l’étouffent, l’amener à devenir un adulte, non pas désabusé ou indifférent, mais capable de se cultiver, de participer à la création de sa société de découvrir les joies de l’existence ? Educateurs et psycho-sociologues peuvent se rejoindre facilement pour travailler à atteindre un tel but.
Marie-José Chombart de Lauwe, « L’enfant et ses besoins dans la cité moderne », in Informations sociales : bulletin mensuel à l’usage des services sociaux, dossier consacré aux loisirs des enfants dans la cité, n°4 – avril 1965, p.6-19. Numéro disponible sur Gallica.fr.
Nous remercions Pascal Chombart de Lauwe de nous avoir autorisé à reproduire ce texte de sa mère.
Bibliographie
Rose-Marie de Casabianca, Enfants sans air. Etude sociologique des enfants d'un quartier urbain, Fleurus, 1959.
Marie-José Chombart de Lauwe, Psychopathologie sociale de l’enfant inadapté, CNRS éditions, 1959.
Marie-José Chombart de Lauwe, « La représentation de l’enfant dans la société urbaine française contemporaine », in Enfance, n°1, 1962.
Paul-Henri Chombart de Lauwe, L. Couvreur, E. Perroy, « L’influence de la rue sur l’enfant », in L’école des parents, n°8, 1955.
Paul-Henri Chombart de Lauwe (dir.), Famille et Habitation. Tome II : un essai d’observation expérimentale, CNRS éditions, 1960.
Pr. P. Delore, « Les accidents chez les enfants. Prévention et éducation », in Maison d’enfants et d’adolescents de France, n°43, juillet 1960.
Jacqueline et Raoul Dubois, La presse enfantine française, éditions H. Messeiler.
S. Mollo, « Importance et signification du modèle d’écolier », in Enfance, n°4-5, octobre-décembre 1963. S. Mollo et M-J Chombart de Lauwe, « Convergences et divergences du modèle d’enfant idéal dans les manuels scolaires et la littérature enfantine », in Revue français