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Baulon : sous le préau, l’enfance
Cédric Smal | 14 janvier 2022
Introduction
qui Collectif Faro (SCOP d’architecture, architecte mandataire) : Cédric Smal, Lucie Godefroy, Claire Chollet.
quoi École élémentaire (4 salles de classes & 1 bibliothèque, 377 m²), restaurant scolaire (150 repas, 300 m²), grand préau (410 m²).
où Rue Philippe, 35580 Baulon.
quand Début des études : septembre 2017 | Chantier : octobre 2018 – janvier 2020.
pourquoi Rassembler les deux écoles de la commune & créer un restaurant scolaire | Remplacer une école inadaptée aux besoins des enseignants | Accompagner des élus engagés à construire un bâtiment éco-responsable sur leur commune.
comment Structure : murs ossature bois, charpente bois et bardage douglas filière locale | Isolation: laine de bois | Remplissage des cloisons : terre-paille et enduit terre crue issue du site | Bardage métallique | Couverture : double peau bac acier | Menuiseries: aluminium double vitrage et mur rideau bois-aluminium | Plancher chauffant & chape isolante | Ventilation : double flux | Récupération des eaux de pluie dans noues paysagères et cuve de récupération enterrée | Clôtures, bancs et aménagements extérieurs : bois.
pour qui Les enfants et les enseignants, la commune de Baulon.
avec qui BE structure béton : Sisba | BE structure bois : Ingéligno | BE Fluides et cuisine : GEFI Ingénierie | Economiste et O.P.C.: ECMS | Mission d’accompagnement construction en terre crue : Samuel Dugelay.
par qui Terrassement, V.R.D., espaces verts : Cardinal édifice | Gros-oeuvre : CBI | Charpente, ossature bois, bardage bois : SCOB | Couverture bardage métallique : BDN | Menuiseries extérieures : Arimus | Menuiseries intérieures : Heude bâtiments | Cloisons, isolation, doublage : SAPI | Revêtements de sol, faïence : Le Bel | Peinture : Margue | Terre-fibres : Maison terre, De la Matière à l’ouvrage | Chauffage, plomberie, ventilation : AirV | Electricité : Lustrelec | Equipements de cuisine : Label Table | + quelques enfants et deux chevaux.
combien 1 421 000 € HT.
Geoffrey Airiau | Le préau que vous construisez dans cette école semble être indéniablement l’élément central du projet, tant visuellement que dans l’usage qui lui est réservé, pourquoi ce choix ?
Cédric Smal | En effet, le préau ici est l’élément fondateur du projet. C’est la partie la plus grande du bâtiment, en surface et en volume, et sa position centrale en fait un lieu actif, qui distribue tous les autres locaux. Ses dimensions permettent des usages extérieurs par tous les temps et son traitement architectural, notamment sa charpente en bois, caractérise fortement l’ambiance de l’école. Le préau redevient une véritable une cour de récréation couverte.
C’est un choix qui est venu à la suite de nos premiers échanges avec les utilisateurs du bâtiment, en particulier le directeur de l’école et les élus en charge du projet. Leur objectif étant d’avoir un bâtiment très économe en énergie, avec un budget contraint, la suppression des circulations intérieures chauffées s’est posée tout de suite comme un enjeu d’économie financière et énergétique. Cette option était clairement envisageable vu la taille du programme et le peu de locaux à distribuer. Mais pour nous, cette économie devait permettre d’être généreux par ailleurs, et de proposer un autre type de rapport à l’extérieur : plus direct mais aussi plus protégé. Ainsi, au lieu de faire 80 m² de circulations, nous avons pu, pour le même prix, proposer plus de 400 m² de cour couverte. Enfin, dans un contexte urbain avec assez peu d’accroches autour du site du projet — zones de stationnement, zone pavillonnaire —, il nous semblait pertinent de proposer un bâtiment avec une intériorité forte, mais tout de même présent dans le paysage, pour affirmer le nouvel équipement. Le préau et la grande toiture qui couvre cette école sont ainsi devenu les icônes du projet.
De nombreux éléments didactiques sont dissimulés un peu partout dans l’espace autour du préau. Pouvez-vous en parler plus précisément et détailler en quoi ces dispositifs spatiaux peuvent participer activement à l’éveil des enfants dans l’espace où eux-mêmes se construisent ?
Notre intention était de faire un bâtiment très didactique et même avec une dimension ludique. C’est une école, donc cette démarche fait sens. En règle générale nous concevons des lieux qui se laissent comprendre et expriment comment ils sont construits. La structure y est toujours apparente et les éléments qui, en second œuvre, pourraient cacher les éléments techniques sont minimisés au maximum. C’est aussi bien une démarche écologique — d’économie de matière et de carbone — qu’esthétique.
À Baulon, nous avons souhaité formaliser et exprimer très concrètement les intentions environnementales du projet. Cela prend la forme de petits volumes de type « maisonnées » disposés sous le préau, qui en expriment chacun un aspect :
- L’utilisation de la filière bois en circuit court se comprend dès l’entrée du bâtiment par un volume au bardage en polycarbonate transparent, laissant voir la structure des murs ossature bois qu’il y a derrière et le remplissage en isolant de fibres de bois ;
- La bibliothèque, au centre du préau, est un volume entièrement construit en terre crue du site associée à des fibres de paille en remplissage dans une ossature bois et recouvert d’enduits terre à l’intérieur et à l’extérieur ;
- Les W.C. extérieurs explicitent quant à eux le cycle de l’eau de pluie : grosses gouttières métalliques surdimensionnées et façades couvertes de plantes grimpantes. En effet, les vastes toitures des bâtiments et du préau permettent de récupérer un grand volume d’eau, qui suit un circuit passant par des noues plantées jusque dans une cuve de récupération enterrée dans la cour.
Tous ces éléments visent à animer la curiosité des enfants mais aussi des adultes qui fréquentent l’école et à les amener à s’interroger sur notre rapport à l’environnement, à être conscients des ressources qui existent sur le territoire qu’ils habitent. C’est leur montrer que l’on peut construire une école avec des éléments aussi simple que la terre du site et qu’ils peuvent en plus y prendre part. Par le biais des chantiers participatifs, auxquels certains enfants ont pu participer, ils sont aussi devenus acteurs de l’édification de leur école. C’est en cela que ce projet propose aussi une démarche pédagogique, autant par de sa construction que par sa forme finale.
La plupart des remplissages de murs intérieurs des classes ont été réalisés avec la terre du site. Était-ce une volonté de votre part dès le départ de faire usage de cette ressource et comment cette réalisation a-t-elle été accueillie par les enfants, leurs parents et le personnel de l’école ?
Comme pour l’utilisation du bois, l’usage de la terre crue pour construire l’école faisait partie des intentions des élus de la commune. La terre du site avait même été analysée avant le démarrage des études pour vérifier sa capacité à pouvoir servir pour la construction. Même si nous n’avions pas d’expérience dans ce domaine, cela s’inscrivait dans le prolongement de notre démarche conceptuelle. C’était le contexte et le programme parfait pour mettre en œuvre ce matériau : ressource présente sur le site, compétences dans la région — le bassin rennais est traditionnellement une région de construction terre — et un maître d’ouvrage moteur sur ce sujet. Nous nous sommes donc fait assister techniquement par Samuel Dugelay pour répondre à cette attente et intégrer ce matériau de manière cohérente dans le projet.
Mais, si nous-mêmes étions enthousiastes sur le fait de construire une partie de l’école en terre crue, cela a fait débat tout au long du projet, aussi bien chez les élus qu’auprès des utilisateurs (enseignants, services techniques), des entreprises qui ont participé à la construction et même dans notre équipe de maîtrise d’œuvre, parmi nos co-traitants. Ce sont certainement les enfants qui avaient le moins d’apriori sur le sujet ! Cependant, très vite après la réalisation des ouvrages en terre et encore plus aujourd’hui, avec deux ans d’utilisation de recul, les qualités de confort hygrothermique — notamment lors de fortes chaleurs — et acoustique des locaux ont fini par convaincre tout le monde, au-delà des considérations écologiques et esthétiques.
Patrick Bouchain a affirmé que « le chantier est le lieu idéal pour enseigner les vertus du collectif ». Vous avez adopté cet adage en réalisant une partie du projet en chantier participatif avec les futurs écoliers et leurs parents. Comment vous a-t-il été possible d’associer aisément parents et enfants sur un chantier de construction ?
C’est avant tout dans le cadre du chantier de terre qu’ont été mis en place les initiatives de construction collectives. La construction en terre crue fait partie de ces filières qui ont un cycle de vie très vertueux : extraction de la matière première sur site, soit sans transport, mise en œuvre nécessitant très peu d’énergie et déconstruction ne créant pas de déchets. Par contre, sa mise en œuvre nécessite beaucoup de main d’œuvre, bien que celle-ci puisse n’être que peu qualifiée et puisse acquérir le savoir-faire rapidement. C’est donc un matériau très propice aux chantiers collectifs, voir festifs ! Et je citerais un exemple très local, la danse Plinn en Bretagne. Cette danse était pratiquée dans l’objectif de tasser le sol des maisons récemment construites et on appelait à cette occasion tout le voisinage pour que les pas des danseurs transforment le sol terreux en terre battue.
Pour revenir à Baulon, cela n’a pas toujours été une fête. Le chantier participatif avec les enfants pour réaliser une fresque dans les enduits terre de la bibliothèque s’est buté au refus de l’inspection académique, qui ne souhaitait pas qu’ils aillent sur le chantier. Avec l’appui de la commune, ce chantier s’est organisé de manière différente, dans le cadre du centre aéré, avec l’accord des parents et sous couvert administratif de leur assurance. C’est encore une fois grâce aux efforts collectif de certains élus, des services techniques, de l’entreprise du lot terre-fibres et de notre équipe que ces ateliers ont pu avoir lieu. Mais ce n’est qu’une partie des évènements qui ont été organisés.
Dans le cadre du marché du lot terre-fibres, nous avons souhaité avec la commune que soit mis en place un chantier de formation animé par l’association De la Matière à l’ouvrage, dont les stagiaires ont réalisé les murs de refend des salles de classes et les façades de la bibliothèque. En parallèle, un cycle de conférences sur la terre crue était proposé dans la salle communale tous les jeudis soir et des chantiers participatifs organisés tous les vendredis après-midi pour les personnes de la commune, notamment les parents d’élèves. Des ateliers de manipulation de la terre ont aussi pu être mis en place avec les enseignants et les enfants de l’école existante. Ce qui est intéressant, c’est le caractère « expérimental » qui s’est vite installé autour de ces ouvrages en terre dans le cadre de la formation. On a même vu deux chevaux passer sur le chantier pour aider les stagiaires à mélanger la terre ! Encore maintenant, après la réception des ouvrages, nous sommes régulièrement sollicités pour des visites, également pour des études ou mesures par des experts, notamment en acoustique du bâtiment.
En tant qu’architectes, vous avez également eu l’opportunité de vous former au côté du maçon terre crue, Samuel Dugelay, sur votre propre chantier. Alors que l’on observe fréquemment un fossé entre les idées du concepteur et la réalité du terrain, pensez-vous que cette démarche devrait être généralisée ?
Ce qui a été très formateur lors de notre participation à la mise en œuvre des ouvrages en terre, c’est d’avoir pu prendre part à la réalisation des éléments techniques que nous avions conçu au préalable. On comprend évidemment beaucoup mieux comment réagi le matériau, ses capacités et sa complexité de mise en œuvre en le manipulant physiquement. C’est une expérience que nous aimerions renouveler, tout simplement pour pouvoir être plus pertinents lors de prochains projets. Et puis, comme évoqué précédemment, la terre est par essence un matériau propice au travail collectif et participatif.
Cependant, nous ne pensons pas que l’architecte ait vocation à devenir constructeur, même si la question technique et humaine qu’il y a derrière l’acte de construire nous préoccupe particulièrement. Systématiser cette démarche par principe n’est peut-être pas la solution pour se rapprocher de la réalité du chantier. Il faut surtout faire preuve d’une attitude d’ouverture et d’échange avec les personnes qui construisent et qui ont un savoir-faire singulier, mais aussi savoir des fois remettre en question les principes établis et les normes. Cela passe effectivement par une connaissance assez précise des techniques constructives, surtout celles que l’on propose de mettre en œuvre.
Questions
Geoffrey Airiau
Réponses
Cédric Smal (Collectif FARO architectes)
Documents
Collectif FARO architectes
Photographies
François Dantart & Collectif FARO