L'utopie ou la mort

Pour une École des tritons, au cœur du bocage

Le collectif des tritons | 31 décembre 2020

Introduction

La ZAD — fabrique conviviale d’une autre manière d’habiter, berceau de nombres de mobilisations citoyennes contre l’« intoxication du monde », zone de réinvention des communaux, laboratoire d’une agriculture écologique — lance en cette nouvelle année un projet essentiel pour tout mouvement militant : la création d’une école.

Son école de pensée est incarnée depuis plusieurs années par les Naturalistes en luttes, Abracadabois et tant d’autres collectifs « sur zone ». Le lieu de l’école, lui, reste encore à construire. Le Collectif des tritons, auquel Topophile se joint aujourd’hui, en appelle à vous pour participer au financement, aux chantiers printaniers ou à la constitution du programme militant.

École du dehors

Une école du dehors avec un lieu en dur

Nous appelons à soutenir la construction de l’École des tritons sur un bâti historique détruit à coup de tractopelle par le projet d’aéroport. Il s’agira d’un lieu de formation et de découverte du vivant ouvert sur un jardin et sur le bocage de Notre-Dame des Landes. Son but sera de favoriser la croissance de l’empathie dans nos relations avec les êtres vivants qui nous entourent et nous traversent. Nous savons plus ou moins abstraitement que notre existence dépend de cette multitude d’espèces. Mais nous avons plus que jamais besoin de pistes pour aller à leur rencontre et nous attacher à elles de manière beaucoup plus sensible et lucide.

Depuis l’histoire de la zad — Ce lieu poursuivrait les pratiques des Naturalistes en lutte, un regroupement d’associations et de passionné·e·s qui se sont joint·e·s au mouvement anti-aéroport par des contre-études minutieuses, balades sur le terrain et chantiers de protection du bocage. L’École des tritons incarnerait toute une culture d’échange de savoir-faire et savoir-être éclos dans les formes de vies partagées qui caractérisent ce territoire.

À la croisée des mondes — Le bocage de Notre-Dame-des-Landes est un milieu à la fois riche d’une très forte biodiversité et lié à une agriculture paysanne, basé sur un réseau de mares, de haies, de bois et de lisières. C’est une illustration vivante des interdépendances et des entrelacements nécessaires à une vie durable sur terre. Le bocage est ainsi le cadre idéal d’un lieu de croisement de connaissances multiples, où s’élaborent les moyens de prendre soin de ces liens et de les défendre, sur la zad comme dans bien d’autres espaces menacés en ces temps de dégradation écologique critique.

Pour une École des tritons, au cœur du bocage
École et lieu de vie [Gwenaël Manac'h]

Éducation populaire

Un lieu d’éducation populaire et de résistance

Lutter enraciné·e — Le programme de l’École des tritons permettrait bien sûr d’échanger des réflexions passionnées sur les moyens d’agir ensemble sur les causes de la déroute climatique et de la 6e extinction de masse de la biodiversité : contre ses moteurs marchands et pour s’extraire de son nihilisme civilisationnel. Par son cadre, elle permettrait d’en débattre tout en pouvant sentir, voir et toucher des plantes sauvages ou surprendre les allées et venues d’animaux variés. Cette maison de l’écologie et de la résistance serait donc un lieu d’études, de consultation d’archives, d’expositions, de projections, de conférences, de rangement d’outils d’entretien et d’observation, un point de départ et de retour pour des balades et ateliers pratiques. Elle serait aussi un point de lancement de campagne d’actions contre l’intoxication du monde et de constitutions de solidarités avec d’autres territoires menacés par des aménagements destructeurs.…

Athénée autonome — Nous voudrions inscrire cette école dans la riche histoire de l’éducation populaire et d’une recherche de pédagogies hybrides, émancipées des carcans institutionnels. Nous voulons y revisiter nos rapports à l’apprentissage et à la transmission pour tous les âges. Nous concevons ce lieu de formation viscéralement enraciné comme un joyeux antidote face au spectre d’une école numérique et sans contact. Cet espace modulable, à l’usage du bocage et du monde, sera donc également disponible et ouvert pour des moments d’échanges et de formations théoriques (mais toujours éminemment situées et reliées à des territoires donnés) sur divers autres enjeux : philosophiques, architecturaux, agronomiques, esthétiques, etc.

Abracadabois… Charpente ! [Gwenaël Manac'h]

Re-construction

Une re-construction prise dans l’histoire du mouvement et l’avenir de la zad

Reconstruction — Nous souhaitons démarrer publiquement la construction de l’École des tritons aussitôt que possible sur le lieu d’une des bâtisses historiques détruites à coup de tractopelles au nom du projet d’aéroport. Ces reconstructions sont un des engagements que s’est donné le mouvement sur le terrain de l’habitat, et dans la foulée de la bataille foncière pour le maintien d’un paysannerie collective et alliée du vivant sur le bocage.

Auto-construction — L’École des tritons sera bâtie essentiellement à partir de matériaux et de structures artisanales du bocage, ainsi que de chantiers participatifs. Les premières étapes se lancent notamment à partir de la dynamique Abracadabois autour de la prise en charge de la forêt de Rohanne en tant que commun par les habitant·es et usager·es du territoire. Une charpente est actuellement en train d’être taillée avec un suivi de l’arbre à la poutre au Hangar de l’avenir. Ce bastion de la lutte issu de chantiers-écoles menés pendant le combat anti-aéroport et depuis est aujourd’hui un lieu au sein duquel des personnes peuvent se former à la scierie, la menuiserie ou l’ébénisterie. La construction de l’école des tritons s’affilie ainsi à l‘idée d’une architecture populaire et vernaculaire, basée essentiellement sur des matériaux locaux. La destination et la structure des bâtiments prend corps chemin faisant au fil des chantiers et selon la façon dont se précisent les besoins des usager·e·s. Après la levée de charpente, de nouveaux chantiers ouverts devraient avoir lieu rapidement au cours de l’année pour lui donner un toit, un sol, des murs de terres et paille, une partie serre intérieure où accueillir co-habitants végétaux et nids d’oiseaux.

P.L.U.I. vs Zone d’Écologie Communale — En entamant une nouvelle reconstruction de ce type, nous continuerons à matérialiser le fait que notre lieu de vie n’est pas uniquement une zone de production agricole séparée d’autres rapports au monde telle que l’énonce dorénavant le Plan Local d’Urbanisme intercommunal (P.L.U.I.). Il est toujours au contraire un riche tissu d’existences humaines et de milieux vivants, de coutumes et rites en constructions, de cultures et connaissances des plus diverses, nées dans le bocage ou venant de partout ailleurs.

Renaissance d’une bâtisse [Gwenaël Manac'h]

Processus

De quelle composition voulons-nous faire naître l’École des tritons ?

Des réunions fréquentes et des étapes de chantiers préparatoires permettent d’ores et déjà d’affiner différentes possibilités, qui toutes deviennent chaque jour plus réelles. Mais il va nous falloir compter sur beaucoup d’autres énergies pour que l’École des tritons voit le jour. La mise en œuvre de cette construction nécessitera d’assumer une fois de plus de se mettre en mouvement pour l’avenir du bocage avec un soutien public large.

Nous voudrions à ce titre que les fondations de l’École des tritons soient solidement enracinées dans l’alliance entre associations environnementales, naturalistes passionné·e·s et paysan·ne·s tournées vers le soin du vivant, entre structures d’éducation populaires forgeuses de pédagogies hors-normes, bâtisseurs et bâtisseuses en désertion et (plus ou moins) jeunes collectifs engagés dans la bataille climatique.

Soutenez la construction de l’école des tritons ! [Gwenaël Manac'h]

Soutenir l’École des tritons

Comment soutenir à votre tour l’École des tritons ?

Voici différents moyens de nous aider à court ou moyen terme :

  • signer en temps qu’association, collectif ou individu ce texte public d’appui au projet ;
  • contribuer à la campagne de financement participatif que nous avons lancée sur HelloAsso afin de financer un certain nombre d’outils et matériaux ;
  • être présent·e lors de la levée de charpente inaugurale accompagnée d’un évènement public ;
  • nous aider à faire vivre le projet dès les premières étapes par un certain nombre d’initiatives et contenus. Au cours de la construction de la bâtisse, et avant même que celle-ci puisse être considérée comme achevée, il s’agira de proposer sur le site des balades, récits, exposés et expositions, études et ateliers ;
  • participer aux chantiers qui feront suite à la pose de la charpente.

Soutiens au 31/12/2020

Structures : LPO France — Bretagne vivante — Les sentiers de Camille — NDDL Poursuivre Ensemble — Greenpeace France — Fédération des Murs à pêches — Association le Sens de l’Humus — Écoferme des 1001 pattes — Fruits Oubliés & Biodiversité/Revue Fruits Oubliés — Éditions La Criée — association EcoJolie Terres Vivantes — Ferme du Limeur, la Chapelle sur erdre — Collectif SuperTerrain — Revue Topophile.

Individus : Alessandro Pignocchi, auteur de BD et ornithologue — Nastassia Martin, anthropologue — Baptiste Morizot, philosophe — Barbara Glowczewski, directrice de recherche au CNRS, LAS/Collège de France — Ludivine Bantigny, historienne à l’université de Rouen — Philippe Descola, anthropologue — Yves Citton, professeur de littérature française de l’université Paris 8 — Fabrice Nicolino, journaliste et écrivain — François de Beaulieu, écrivain, historien et naturaliste — Maël Garrin, entomologiste — Loïs Grégoire, Chargé de mission naturaliste — Maxime Zucca - ornithologue, auteur de "la migration des oiseaux" — Christian Sunt, forestier, ethnobotaniste — Alain Bornarel, animateur du réseau Manifeste de la Frugalité heureuse et créative — Perrine Philippe, architecte — Eliza Levy, réalisatrice — Gilles Sabatier, militant associatif.

Texte
Le collectif des tritons, sur la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
ecoledestritons@riseup.net

Illustrations
Gwenaël Manac'h, avec son aimable accord.