Un Opuscule de la revue Topophile
Voilà plus de quatre ans que Topophile, l’ami·e des lieux, la revue des espaces heureux, vous procure un espace-temps hors du temps et de l’espace (numérique qu'elle est) pour tenter de saisir notre « art d'habiter », notre expérience éphémère et éternelle, situationnelle et imaginaire des lieux et des mondes dans lesquels nous inscrivons notre existence, notre « demeure terrestre ».
La topophilie doit son existence en tant que concept au philosophe français de l’imagination matérielle Gaston Bachelard (1884–1962) et au géographe culturel sino-étatsunien Yi-Fu Tuan (1939–2022). Le premier l’associe à la topo-analyse dans sa Poétique de l’espace (1957) et la qualifie de « valeur humaine des espaces de possession, des espaces défendus contre des forces adverses, des espaces aimés, […] des espaces louangés ». Le second, lecteur du premier, signe un texte originel sur la topophilie en 1961, sur ces « rencontres intimes avec le paysage ». En 1974, dans son ouvrage intitulé Topophilia, inédit en français, il propose une définition large : la topophilie est « le lien affectif entre les gens et le lieu ou l’environnement ».
Ce sentiment insaisissable et potentiellement universel, cette relation réciproque avec son milieu, cette amitié avec les lieux n’appartient à aucun champs disciplinaire — elle est transdisciplinaire, sinon indisciplinée — et n’appartient à aucune science — elle est phénoménologique et sensible. Comment l’étudier sans l’enfermer ? Comment apprécier sa diversité et sa complexité ? Comment rendre compte de sa richesse et ses évolutions ? Topophile l'explore de manière résolument pluridisciplinaire avec, à ce jour, plus de 200 auteurs et autrices différentes. Au fil des années, de nombreux « potophiles » ont rejoint l'équipe comme illustratrices, questionneurs, critiques, ambassadrices, etc. Ils et elles sont, comme nous, ainsi que nos auteurs & autrices, bénévoles.
Premier ouvrage imprimé de cette aventure, l’Opuscule que vous tenez entre les mains se veut à l’image de la revue : une rhapsodie, une composition libre de textes, une juxtaposition spontanée de morceaux dans l’espoir d’une mélodie harmonieuse, représentative des thématiques et rubriques de la revue, montrant la diversité des entrées à des pratiques écologiques. Elle questionne comment les territoires de nos existences sont bâtis, habités, pensés et fait savoir les savoir-faire topophiles.
Il était impossible de ne pas ouvrir cet Opuscule avec « l’Art d’habiter » d’Ivan Illich, un classique de 1984 auquel nous nous référons inlassablement. Anne Rumin déconstruit l'expression « transition écologique ». Thierry Paquot réaffirme qu’il ne faut plus aménager mais ménager — le terme semble d’ailleurs aujourd’hui tout autant revendiqué que dévoyé. Nicole Concordet et Louise Cortella se font interroger par Servane Martin sur la démarche incrémentale d’une réhabilitation. Raphael Pauschitz traduit l’ethnologue autrichien Bernhard Tschofen, examinant notre rapport à l’évanescence. Edouard Vermès, architecte et constructeur, enseigne la technique d’isolation thermique en bottes de paille dite des « bretelles ». Enfin, nous republions un des plus anciens textes sur la construction en pisé, dont l’actualité est déconcertante, rédigé en 1791 par François Cointeraux. Nos talentueuses illustratrices vous proposent deux chorographies à afficher. Pour finir, « facétieuse » (dixit le Soir belge), Topophile vous propose votre horoscope pour 2024.